Chez Debras-Bical, l’Atelier 340, la galerie du Botanique, l’Espace photographique Contretype, la galerie La Papeterie
Chez Debras-Bical, jusqu’au 4 février, première rétrospective bruxelloise de l’œuvre de Carmen Dyonise qui, depuis trente ans, s’est imposée comme une figure majeure de la céramique flamande. L’artiste retrace ici son évolution, marquée par l’inquiétude et le doute. L’expressionnisme ressort avec force de ces masses de terre d’où émergent des figures et des corps hallucinés. Le fantastique ne relève pas seulement de la vision, mais de son adéquation à la technique. La rencontre du feu et de la terre offre un contact abrupt avec le mystère que cherche à percer l’artiste. On sent une vie qui tend à la forme tandis que prennent chair ces figures énigmatiques.
À l’Atelier 340, Wodek poursuit sa politique de rencontres en invitant jusqu’au 31 mars Leszek Knaflewski et Jean-Marie Gheerardijn. Les deux artistes partagent le même sens de la catalographie morbide. D’une part, le Polonais Knaflewski récolte, entasse, trie et organise des milliers de racines. L’autre élève des mouches en aquarium pour réaliser, au terme d’un génocide inimaginable, des œuvres noires et troublantes et, sous couvert d’un humour qui dérange, fait… mouche à chaque coup. Ces deux univers obsessionnels invitent au comptage ou la fuite, car ce qui se déroule ici témoigne avec violence de ce qu’est en somme l’humanité.
La galerie du Botanique présente, jusqu’au 25 février, un ensemble d’œuvres récentes de Jocelyne Coster. L’artiste poursuit sa veine aérienne. Accrochée à son ULM, Jocelyne Coster arrache des lambeaux de paysage qu’elle réorganise dans un univers plastique mêlant onirisme et poésie. Les photographies aériennes se métamorphosent en figures originelles. Des formes apparaissent, s’organisent, prennent vie en se détachant du paysage. L’image se creuse, et la vue du ciel rencontre le tracé cartographiques pour rendre compte de cet espace, mi-figuré, mi-rêvé, dans lequel évolue la conscience. Ailleurs, il s’agit de relier cette vue du monde au bruit qu’il fait. Les nations se déclinent dans la rencontre de cartes, de climats et de pages de journaux, datées soit d’un 21 décembre (le jour le plus court), soit d’un 21 juin (le jour le plus long). Le paysage découvre ainsi le temps dans l’image suspendue.
Jusqu’au 11 février, les photographies de Bernard Plossu investissent l’Espace photographique Contretype. "Nuage/Soleil" tente de rivaliser avec le regard dans l’instantanéité d’une prise de vue sans réglage, sans recherche, sans autre volonté que de saisir l’instant. La démarche vise la facilité. Tout au moins celle que procurerait l’usage immodéré des appareils pour enfants. Dès 1958, équipé de son Brownie Flash, Bernard Plossu, encore enfant, photographie le Sahara, et des rues prises depuis une voiture en mouvement. Le photographe reste dans le sillage de cette expérience de "liberté visuelle totale". De l’Agfamatic au Stretch Kodak, avec ses vues panoramiques dignes d’un western des années cinquante, en passant par le Prestinox qui offre le noir et blanc aux 360° de l’espace, il hante les villes et les paysages de son regard errant. Refusant l’artificialité de la photographie professionnelle, Plossu livre des images simples, voire simplistes, d’une réalité ancrée dans le quotidien. Une recherche de la pureté qui conserve la marque de l’enfance.
À la galerie La Papeterie, Alain de Wasseige accueille jusqu’au 23 février les sculptures et projets de sculptures de Roberto Ollivero. L’exposition regroupe les deux dernières années de travail de cet artiste à la sensibilité sociale aiguë. Dans de grandes acryliques aux traits noirs, il jette la position des sculptures qui viennent ensuite occuper l’espace de la galerie. Entre les dessins et les figures abouties, s’établit un dialogue fait de violence maîtrisée. Le passage à la troisième dimension est aussi passage à la couleur. Aux formes sévères des dessins répond une réalité multiple qui témoigne d’écarts incessants entre l’image ébauchée et l’icône aboutie.
Ollivero situe son œuvre dans cette dialectique qui va de l’espace graphique au lieu, en interrogeant la nature de l’image comme fondement de la sculpture en tant qu’objet. Ainsi en vient-il à intégrer le cadre dans la sculpture même. Les limites de l’œuvre volent en éclats, comme celles de la société qu’Ollivero met en scène. Qu’il s’agisse des lignes de force de notre société ou des travers de nos comportements singuliers, l’artiste fait de la sculpture une mise en scène impitoyable. La classe ouvrière n’ira jamais au paradis ou Macho Men en témoignent avec force.
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Bruxelles : les catalogues troubles de la mémoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : Bruxelles : les catalogues troubles de la mémoire