À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Françoise Vigna, à Nice, Bruno Pélassy a répondu à nos questions.
Deux univers occupent l’espace de la galerie Vigna, celui des Créatures, formes silencieuses qui se meuvent dans des aquariums, et celui des Bestioles, êtres hybrides dont certains réagissent bruyamment aux stimuli sonores. Comment ces espèces coexistent-elles au sein de votre travail ?
Ce sont deux parties différentes de mon travail. Il y a d’une part les pièces mécaniques, terrestres et bruyantes que je nomme Bestioles, et d’autre part les Créatures qui sont placées dans des aquariums. Pour ces dernières, je souhaitais recréer un espace particulier auquel le spectateur n’a pas directement accès, où une mise à l’écart se crée naturellement, alors qu’en ce qui concerne les Bestioles, l’appropriation de leurs mouvements est beaucoup plus facile. Elles sont tapageuses, à la fois ludiques et tragiques. Un phénomène d’identification apparaît généralement, c’est la raison pour laquelle mes œuvres ne portent pas de titre. Je ne tiens pas particulièrement à l’appellation “sans titre” mais c’est une façon d’éviter que ces pièces soient trop vite assimilées à un animal de compagnie, ce qu’elles ne sont qu’à moitié. Confronter le silence et le bruit m’intéressait. Cela m’importait de ramener des parasites dans ma propre exposition, ce que j’avais eu l’opportunité de faire dans des expositions de groupe, où l’effet était alors beaucoup plus prégnant. Le contraste est ici assez frappant. On le retrouve également, d’ailleurs, dans la photographie que j’ai réalisée en collaboration avec Natacha Lesueur.
Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
C’est un travail qui a commencé en 1995. Il s’agit d’une série de photographies dans lesquelles je pose à chaque fois avec différentes chaussures. Seuls les pieds et les jambes sont visibles et il y a chaque fois une partie des doigts de pieds qui dépasse. J’avais envie de montrer cette photographie qui est la dernière que nous ayons réalisée pour le moment. Nous nous retrouvons, je crois, tous les deux dans ce travail : le médium est celui de Natacha. Quant à moi, ce qui relève de l’expérience du corps se rapproche de mon univers. C’est aussi une proposition de ma part dans le sens où Natacha qui s’est éventuellement torturée toute seule, n’a pas exigé que l’on se torture pour elle ! C’était la possibilité d’aller un peu plus loin sur ce terrain-là.
Vous utilisez fréquemment dans vos œuvres des matériaux précieux, morceaux de fourrure (vison), des bijoux, et des perles. D’où vient cet attrait ?
Je suis né au Laos et il est certain que quelque chose, de l’ordre du fantasme, s’est inscrit en moi de façon profonde : la soie, la brillance, l’éclat et le contraste par rapport à la réalité de ce pays à l’époque où j’y étais. Le textile est en effet très souvent présent dans mes œuvres. J’en utilise pour revêtir mes Bestioles et mes Créatures. Cela me donne la possibilité de donner un mouvement sans passer directement par le corps et de pouvoir susciter des sensations de l’ordre de la projection. Je réalise en quelque sorte une galerie de portraits internes. Je pense plus précisément à la Bestiole qui ressemble à un gogo danseur en python et en paillettes et qui ferait un très beau foie déformé. Le corps est présent mais morcelé, comme dans la photographie.
Galerie Françoise Vigna, 3 rue Delille, 06000 Nice, tél. 04 93 62 44 71, jusqu’au 2 février.
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Bruno Pélassy
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : Bruno Pélassy