En présentant ses dix dernières années d’acquisition, le Musée national du Moyen Âge rend un bel hommage au travail de son ancienne directrice.
PARIS - En juillet 2005, le Musée national du Moyen Âge–Thermes de Cluny, à Paris, perdait brutalement sa directrice, Viviane Huchard, emportée par la maladie. Moins d’un an plus tard, sa nouvelle responsable, Élisabeth Taburet-Delahaye, et son équipe scientifique ont souhaité rendre hommage à celle qui avait piloté pendant plus de dix ans l’établissement, de novembre 1994 à juillet 2005. « Il nous a paru évident de rassembler les enrichissements dont elle avait su faire bénéficier le musée, avec un enthousiasme, une énergie et une persévérance qui forçaient l’admiration », écrit Élisabeth Taburet-Delahaye en introduction du catalogue de l’exposition. Une soixantaine d’œuvres du Xe au XVIe siècle, complétées par une dizaine de pièces documentaires liées à l’histoire du musée, ont ainsi été réunies de manière hétéroclite dans deux salles du rez-de-chaussée. Mais certaines d’entre elles n’ont pas été déplacées pour des questions de conservation, comme le Triptyque de l’Assomption (Bruges, vers 1520). Dû au pinceau d’Adrien Isenbrandt – qui fut l’élève de Gerard David, à qui cette œuvre sur bois fut jadis attribuée –, ce trésor national a pu être acheté en mai 2004 grâce à la participation du Fonds du patrimoine. Il est venu compléter le bel ensemble de retables flamands que possédait déjà le musée.
« En montant cette exposition, nous nous sommes rendu compte à quel point ces acquisitions comprenaient des œuvres exceptionnelles », précise Xavier Dectot, conservateur au musée. Car, de l’enluminure à la sculpture monumentale, des textiles au vitrail en passant par les objets de la vie quotidienne, tous les champs ont pu être couverts par ces enrichissements. Avec toutefois une faiblesse (relative) dans le domaine de l’orfèvrerie, dont les prix sont les plus élevés du marché de l’art médiéval. L’une des dernières acquisitions de Viviane Huchard vient toutefois contrebalancer ce constat : la grande châsse émaillée décorée d’une rare iconographie des Rois mages (hors catalogue). Issue de la prestigieuse collection d’art médiéval de Ronald Lauder – que ce dernier aurait souhaité, sans succès, vendre dans son intégralité aux musées français –, elle a pu être achetée grâce à la participation d’un mécène dont le nom ne sera dévoilé qu’à l’automne. Autre pièce insigne : le grand feuillet de l’Ascension, issu du Lectionnaire de Cluny (vers 1100). Ce manuscrit, conservé à la Bibliothèque nationale de France (BNF), a en effet été privé de quelques enluminures avant son entrée dans les collections publiques, en 1881. La BNF ne rachetant pas de feuillets isolés, le Musée national du Moyen Âge a pu se porter acquéreur de ce trésor national en mai 2004, avec le concours du Fonds du patrimoine. Cette acquisition majeure, dont le traitement pictural évoque les peintures romanes de Berzé-la-Ville (Saône-et-Loire), est venue doter le musée de l’enluminure romane qui manquait à son catalogue.
Projet du « Grand Cluny »
D’autres œuvres moins onéreuses n’en sont pas moins remarquables. Ainsi du groupe sculpté de l’Annonciation (vers 1490), provenant de Normandie. Taillé avec une grande finesse d’exécution dans la craie, il conserve des traces de polychromie originale, dont certaines utilisant la technique du brocart appliqué. Ce type de décor estampé, aux détails très raffinés, n’est aujourd’hui plus maîtrisé par les restaurateurs. L’achat en vente publique de cette œuvre monumentale a été rendu possible grâce au soutien de l’Association pour le rayonnement du Musée national du Moyen Âge (AARMA). L’évolution des lois sur le mécénat impose en effet tacitement aux musées de recourir systématiquement aux financements privés pour tout achat. Cette tendance devrait encore s’accentuer avec l’abandon de l’ambitieuse politique du Fonds du patrimoine.
L’exposition est aussi l’occasion de dévoiler des peintures ou photographies venues compléter le volet documentaire de l’histoire du musée, ouvert en 1843 par le collectionneur Alexandre Du Sommerard. Celles-ci ne feront l’objet que d’une présentation furtive, le musée ne disposant pas d’espaces pour les exposer en permanence. Relancé par Viviane Huchard, le projet du « Grand Cluny », qui consisterait à couvrir les thermes gallo-romains, dégradés par la pollution, et à les utiliser comme espaces d’accueil, n’a été porté par aucune volonté politique. Détenteur de l’une des plus importantes collections d’art médiéval au monde, le musée est désormais seul en tête d’un triste palmarès : il est l’unique musée national à n’avoir jamais fait l’objet d’une rénovation.
Jusqu’au 25 septembre, Musée national du Moyen Âge–Thermes de Cluny, 6, place Paul-Painlevé, 75005 Paris, tél. 01 53 73 78 16, www.musee-moyenage.fr, tlj sauf mardi, 9h15-17h45. Catalogue, éd. Réunion des musées nationaux, 128 p., 160 ill. couleurs, 18 euros, ISBN 2-7118-5189-3.
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Bric-à-brac de chefs-d’œuvre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Bric-à-brac de chefs-d’œuvre