Les musées n’en finissent pas de redécouvrir le XVIIe siècle : à Montpellier une monographie de Sébastien Bourdon, à Meaux, une exposition sur la pratique de Hyacinthe Rigaud dessinateur, à Caen, la peinture religieuse conservée dans les églises et couvents de la cité normande. Autant de manières complémentaires d’envisager un siècle protéiforme, qui reste un champ de recherches fertile.
MONTPELLIER/ MEAUX/ CAEN - Dès 1971, Pierre Rosenberg et Jacques Thuillier avaient préparé une rétrospective Bourdon à Montpellier, où l’artiste vit le jour en 1616. Faute de moyens, elle n’avait pu avoir lieu. Près de trente ans plus tard, alors que le XVIIe siècle bénéficie d’un indéniable regain d’intérêt, Jacques Thuillier a enfin mené à son terme ce projet, en collaboration avec Michel Hilaire le conservateur du Musée Fabre. Le connaisseur du XXe siècle se sera certainement reconnu dans celui du XVIIe ; Félibien ne reprochait-il pas à Bourdon d’avoir la tête trop remplie du “souvenir de quantité de tableaux [qu’il] avoit veûs”. En effet, la postérité malintentionnée a souvent reproché au peintre de n’être qu’un pasticheur, alors même qu’il s’est efforcé d’explorer toutes les ressources de son art. S’il s’inspire, à Rome, des “bambochades” de Van Laer et consorts, il les dépasse haut la main, par un sens de la construction et de la couleur incomparable, talents qui appelaient la rencontre avec Poussin. Le Martyre de saint Pierre de 1643 (pour Notre-Dame) témoigne pourtant d’une manière parfaitement originale dans le contexte parisien. D’ailleurs Jacques Thuillier le note justement : “un tableau de Bourdon se reconnaît au premier coup d’œil”. S’il avait sans doute réalisé à la galerie de l’hôtel Bretonvilliers – détruite depuis – un incontestable chef-d’œuvre, la concurrence acharnée à Paris l’opposant à Le Brun, Le Sueur et Errard, ne devait pas lui permettre de donner la pleine mesure de son talent dans le grand décor, malgré les fonctions prestigieuses occupées au sein de l’Académie. La disparition de nombreuses commandes importantes, comme la suite illustrant l’Histoire de Moïse, nuisent évidemment à l’appréciation de son œuvre ; il n’en demeure pas moins que les toiles conservées suffisent à désigner un virtuose de la couleur et un maître de la composition, “le seul qui, dans certaines de ses œuvres, se soit permis de laisser apparent le jeu apparent des volumes et des couleurs qui soutient la fiction”. Peintre de genre et d’histoire, il fut aussi un portraitiste d’une rare élégance, comme le montre le célèbre Homme aux rubans noirs. Un artiste complet.
D’une génération postérieure, les portraits de Hyacinthe Rigaud ressortissent d’une esthétique plus majestueuse, plus attentive au décorum, adaptée aux exigences de la cour. Récemment, le Musée Bossuet s’est enrichi d’un de ses dessins, représentant Jacques-Bénigne Bossuet, l’éloquent évêque de Meaux, dont le statut reste problématique : s’agit-il d’un dessin préparatoire, d’un ricordo ou d’une transcription graphique destinée à la gravure ? Cette question se pose pour tout l’œuvre graphique connu de Rigaud ; aussi l’exposition du Musée Bossuet se propose-t-elle d’élucider le rôle du dessin dans l’œuvre du portraitiste, en réunissant vingt-cinq feuilles – dont deux grandes études académiques inédites conservées à l’École des beaux-arts –, soit la moitié du corpus identifié. Occasion également de mieux cerner le rôle de l’atelier.
La peinture et le sacré
L’histoire locale a également fourni au Musée des beaux-arts de Caen une manière particulière d’envisager l’art de l’Ancien Régime. Même si “en matière de tableaux, les églises et les couvents de Caen ne peuvent se mesurer à ceux de Rouen, Orléans ou Dijon”, comme le note Alain Tapié, le conservateur du musée, la présentation d’une trentaine d’œuvres, souvent de grand format, issues des institutions religieuses locales, réserve quelques beaux morceaux de peintures : une Lapidation de saint Étienne de Charles Mellin – le plus important de ses tableaux en France –, une Adoration des mages de Vignon, la Visitation de Mignard, ou encore les deux toiles de Cornelis Schut, provenant de l’Abbaye-aux-Dames. En revanche, les peintres actifs à Caen aux XVIIe et XVIIIe siècles restent très mal connus, à l’exception de Nicolas La Champagne Le Feye, qui pourrait être l’auteur du tableau de la profession de foi religieuse d’Ursule de Quengo. La dernière acquisition, Saint Charles Borromée donnant la communion aux pestiférés de Milan, par Pierre Mignard, trouvera naturellement sa place dans cet éloge de la “peinture sacrée”.
- SÉBASTIEN BOURDON, 7 juillet-15 octobre, Musée Fabre, 39 boulevard Bonne-Nouvelle, 34200 Montpellier, tél. 04 67 14 83 00, tlj sauf lundi 10h-19h. Catalogue, éd. RMN.
- HYACINTHE RIGAUD DESSINATEUR, À PROPOS DU PORTRAIT DE JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET, Musée Bossuet, Ancien palais épiscopal, 77100 Meaux, tél. 01 64 34 84 45, tlj sauf mardi 10h-12h15 et 14h-18h. Catalogue, éd. Faton.
- LA PEINTURE SACRÉE À CAEN, XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES, 22 juillet-23 octobre, Musée des beaux-arts de Caen, Le Château, 14000 Caen, tél. 02 31 85 28 63, tlj sauf mardi 9h30-18h. Catalogue.
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Bourdon et compagnie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Bourdon et compagnie