Le 24 novembre 1859, Charles Darwin publiait L’Origine des espècesà mille deux cent cinquante exemplaires, entièrement vendus dans la journée.
La théorie se propagea comme une traînée de poudre infirmant au passage le créationnisme chrétien, une révolution dont les répercussions iconographiques sont enfin démontrées. Pourtant, dans la première version du livre, nulle illustration car le scientifique y était opposé. Mais les artistes se sont immédiatement emparés de sujets corollaires aux théories darwiniennes, comme celle selon laquelle l’homme descendrait du singe. Les toiles très étonnantes de Gabriel von Max en témoignent dans l’étonnante exposition que la Schirn Kunsthalle consacre à « Darwin, l’art et la recherche des origines ». Et ce peintre germanique avait pris pour unique motif et sujet les singes « installés » dans le quotidien des hommes.
Mais celui qui domine l’ensemble est bien Ernst Haeckel, dessinateur et scientifique contemporain de Darwin et auteur de Des formes d’art dans la nature (1899), son ouvrage le plus célèbre (réédité par l’éditeur allemand Prestel). Il témoigne de l’originalité d’Haeckel (à l’origine aussi du concept d’écologie) qui n’hésita pas à donner une dimension artistique au genre scientifique en dessinant les spécimens sur fond noir et à utiliser des couleurs vives. En pendant de ces planches où le sujet devient quasiment motif et celles de Gustav Metzel, grand illustrateur de planches de vulgarisation, l’exposition fait aussi la part belle à des visions plus sombres et inquiètes, des spéculations fantastiques de mutation et de dégénérescence. L’époque est en effet aux romans comme Vingt Mille Lieues sous les mers (1869) de Jules Verne ou L’Ile du docteur Moreau de H. G. Wells (1896). À partir de Darwin, anticipation et prospective hantent la littérature et les arts visuels, stimulant les esprits de Arnold Böcklin, Alfred Kubin ou Odilon Redon. La toile de Kupka, Les Anthropoïdes (1902), en témoigne parfaitement, inventant une bataille sur une côte entre des êtres primitifs, mi-singes, mi-hommes. Une hybridation des îles des Galápagos explorées par Darwin et du fantasme du chaînon manquant plutôt inquiétante ! La Schirn Kunsthalle fait ainsi bien mieux qu’illustrer L’Origine des espèces, elle lui offre une nouvelle paternité ambitieuse, celle d’un art en soi.
« Darwin, l’art et la recherche des origines », Schirn Kunsthalle, Francfort (Allemagne), www.schirn-kunsthalle.de, jusqu’au 3 mai 2009.
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Bon anniversaire monsieur Darwin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Bon anniversaire monsieur Darwin