La Fondation Espai Poblenou, l’un des espaces d’expositions les plus intéressants de la vie artistique de Barcelone, située dans un quartier populaire, ouvre ses portes à une exposition de Christian Boltanski.
BARCELONE - Fondée en octobre 1989, grâce à la volonté de fer de la critique d’art Gloria Moure et aux apports financiers de Juan de Muga, éditeur et propriétaire d’une galerie, la Fondation Espai Poblenou a présenté en cinq ans des œuvres de grands peintres contemporains, parmi lesquels Jannis Kounellis, Mario Merz, John Cage, Bruce Nauman, Rebecca Home et Sigmar Polke, qui ont valu à la fondation une reconnaissance nationale et internationale.
L’Espai Poblenou fait aujourd’hui le bilan de cinq années d’activités, et confirme sa formule atypique, dont l’exposition Christian Boltanski peut être considérée comme un exemple parfait. "Les artistes viennent à l’Espai pour créer, et non pas informer sur ce qu’ils font. Les règles sont précises : la fondation leur offre un espace où créer dans une totale liberté, sans contraintes commerciales ; elle exige d’eux une œuvre spécialement conçue pour elle", explique Gloria Moure, la directrice de l’Espai Poblenou, qui tire son nom du quartier périphérique et ouvrier où il est situé.
L’exposition "Dispersion" de Christian Boltanski, qui occupera l’Espai Poblenou pendant tout l’été, peut être considérée comme particulièrement représentative du programme d’exposition du Centre, par la liaison fondamentale entre l’art et la vie qu’elle propose. Renonçant aux prix élevés atteints par l’art contemporain, Boltanski vend son œuvre "en morceaux" pour la modique somme de 200 pesetas (moins de 10 francs). En effet, l’installation consiste en de grands tas de vêtements usagés, dans lesquels les spectateurs-clients peuvent fouiller et faire leur choix. Après avoir payé ses 200 pesetas, chacun peut remplir un des cinq mille sacs imprimés pour l’exposition et ornés d’un dessin de l’artiste. "En fait, bien que la fondation se trouve dans un quartier populaire, l’intégration espérée ne s’est pas toujours produite", explique Boltanski. "C’est pourquoi le fait de pouvoir acheter à bon marché devrait attirer même ceux qui ne seraient jamais allés voir une exposition d’art."
Et les files d’attente des premiers jours lui ont donné raison ! Boltanski a souligné les différents niveaux de lecture de l’installation : "Pour moi, cela a été l’occasion de réfléchir sur la mort, sur l’holocauste et sur la Bosnie ; pour d’autres, ce sera l’occasion d’acheter un chandail à bon marché", a expliqué l’artiste, dont la famille est juive. "Ce qui était auparavant des vêtements devient à présent des sculptures, puis redeviendra des vêtements du fait du spectateur-client, qui, de cette façon, participe activement au montage." Boltanski, qui s’est déclaré préoccupé par la fin des grandes utopies, a terminé ainsi : "Sans utopie, il n’y a pas d’avant-garde. Nous sommes perdus, et la seule utopie possible est l’utopie individuelle. L’artiste fait de petites paraboles, de petites histoires, pose des questions sans réponses, qui font réfléchir."
Barcelone, Fundació Espai Poblenou, "Dispersion", Christian Boltanski, jusqu’en septembre 1994.
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Boltanski à la Fondation Espai Poblenou
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Boltanski à la Fondation Espai Poblenou