Le peintre Jacques Blanchard a été, dans un XVIIe siècle riche en génies, l’égal des plus grands : ce postulat est largement confirmé par la visite de l’exposition de Rennes. La réunion de 43 de ses tableaux, sur la cinquantaine qui lui sont attribués, est fertile en découvertes et montre un peintre souverain dans l’expression de la tendresse et du bonheur.
RENNES - L’exposition du Musée des beaux-arts de Rennes livre le fruit d’un long travail de reconstitution de l’œuvre de Jacques Blanchard, commencé par Charles Sterling en 1961, repris par Jacques Thuillier qui publie aujourd’hui le catalogue raisonné du peintre. Parmi les 43 tableaux rassemblés, les surprises abondent. Il y a d’abord les toiles des collections particulières, et notamment une belle série de Vierge à l’Enfant présentées ensemble. Sur un thème courant comme celui-ci ou la Sainte Famille, il varie à plaisir les attitudes et les expressions, rivalisant avec le maître en la matière, Simon Vouet. La comparaison avec son glorieux collègue vient souvent à l’esprit en parcourant l’exposition, pas toujours à l’avantage de Blanchard d’ailleurs. En effet, s’il excelle à composer des scènes avec peu de personnages, il ne convainc pas totalement dans des œuvres aussi monumentales que L’Assomption de Cognac ou La descente du Saint-Esprit de Notre-Dame de Paris. Mais il faudrait connaître ses grands décors, détruits sans avoir été gravés, pour porter un jugement équitable. Un autre tableau d’autel, Nicolas V au caveau de saint François d’Assise, invite à s’interroger sur les liens de Blanchard avec Laurent de La Hyre, dont le Louvre possède un tableau assez proche sur le même sujet. C’est une des nombreuses pistes que l’exposition et le catalogue ouvrent à la recherche. Par ailleurs, la publication des gravures de tableaux disparus permettra sans doute d’identifier quelques œuvres conservées sous une fausse attribution.
À côté de ces questions savantes, reste le plaisir de la découverte. Pour articuler la visite, les tableaux ont été regroupés par thèmes ou par affinités chronologiques. Ainsi, toutes les toiles d’inspiration érotique – Flore, Vénus et les Grâces, Danaé… – voisinent dans une sorte de cabinet mariant lumière naturelle et artificielle afin de restituer l’intimité nécessaire à la contemplation des œuvres. Malicieusement, les commissaires de l’exposition présentent en regard, dans un autre cabinet, les Charité, comme pour suggérer qu’au-delà des thèmes se dessine une même idée de la femme, sensuelle et gracieuse. La Charité du Courtauld Institute de Londres, certainement la plus belle, montre aussi l’inclination de Blanchard, à la fin de sa carrière, vers un plus grand classicisme, l’“atticisme” de la Régence. C’est un des mérites de l’exposition de le poser en précurseur de cette évolution de la peinture française. Elle permet également de tirer des réserves du Louvre Un saint évêque adorant Jésus dans les bras de sa mère qui, pour une raison obscure, n’a pas les honneurs de ses cimaises. Le catalogue révèle en outre que le Louvre possède deux autres toiles de Blanchard et un petit panneau qui lui est attribué, que nous avons cherché en vain dans les salles du musée parisien. La rareté des œuvres du peintre invite à tout le moins à s’étonner de cette absence.
JACQUES BLANCHARD (1600-1638), jusqu’au 8 juin, Musée des beaux-arts de Rennes, 20 quai Émile-Zola, 35000 Rennes, tél. 02 99 28 55 85, tlj sauf mardi et jours fériés 10h-12h et 14h-18h. Catalogue par Jacques Thuillier, éd. Musée des beaux-arts de Rennes, 336 p., 80 ill. coul., 220 F.
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Blanchard aux côtés des plus grands
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°57 du 27 mars 1998, avec le titre suivant : Blanchard aux côtés des plus grands