Terriblement humaine, intime, souvent inquiétante, voici une exposition où aucune œuvre n’apparaît « raisonnable ».
Chaque dessin, chaque peinture, chaque objet semble complètement « déjanté » tant il surgit avec une poignante présence hors de tout code préétabli. On connaît la liberté des créateurs répertoriés « artistes bruts » dont les œuvres sont conservées dans la Collection de l’Art brut de Lausanne. Les deux premières biennales présentaient des œuvres réunies autour des thèmes Véhicules et Architectures. Corps, le thème de cette année, a permis au commissaire Gustavo Giacosa, également homme de théâtre, de choisir des œuvres d’une intensité physique viscéralement hors contrôle. Personne n’échappe à la présence merveilleuse et tragique du corps, le sien, celui de l’autre. Nul ne saurait se soustraire à la réalité de la peau, du sang, des viscères, du sexe, du désir, de la répulsion..., en bref, la vie et la mort. Il faut faire avec et cette exposition montre que c’est parfois diablement douloureux. Les fragments de corps denses et sobres peints sur des morceaux de carton ou de papier par Giovanni Bosco (1948-2009), les « corps-machines » rigides aux formes géométriques dotés de dispositifs mécaniques complexes dessinés par Frank Travis (1914-1976), les Yeux de la mort surgissant de délicates présences colorées dessinées au crayon de couleur et au pastel gras par Emma Santos (1943-1983), et les poupées-fétiches de Michel Nedjar (né en 1947), réalisées en chiffons trempés dans la terre et le sang, surgissent comme de vives et graves immédiatetés.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : Biennale de l’Art brut : corps transfigurés
