« Art bourgeois », longtemps méprisé par la grande histoire de l’art mais collectionné depuis toujours par quelques fanatiques, le mobilier, les objets et les tableaux Biedermeier (ce style Charles X de l’Allemagne et de l’Europe centrale si l’on veut simplifier et faire crier au-delà du Rhin) n’avaient guère été étudiés sous l’angle socio-culturel. C’est là toute l’originalité de l’exposition de Padoue. Mario Praz avait été le premier historien à comprendre le goût de cette époque dans sa cohérence. Il avait fait correspondre les grands mythes littéraires du temps avec le foisonnement des productions décoratives et avait dégagé une « philosophie de l’ameublement » qui, depuis, a fait école, même si tous ses lecteurs n’osèrent pas le citer. L’avènement de l’âge industriel multiplia les productions manufacturées, les objets « modernes » et pratiques. L’émergence d’une nouvelle bourgeoisie européenne se traduisit par la multiplication des portraits de familles dans leurs intérieurs qui symbolisent ce premier XIXe siècle. Redonner cette cohérence aux créations d’une brève génération (1815-1848), les resituer dans une sphère géographique qui fait dialoguer Prague, Vienne et Parme sous l’ex-impératrice Marie-Louise, veuve du style Empire, constitue une excellente approche scientifique. Les pièces viennent pour l’essentiel du trop méconnu mais remarquable Musée des Arts décoratifs de Prague dont les salles Biedermeier n’ont pas encore été trop écornées par la politique de restitution des biens spoliés qui a dépouillé d’une partie de ses collections Renaissance cet ensemble qui faisait le bonheur des amateurs au temps du communisme. Les pièces choisies pour être montrées à Padoue permettent d’imaginer cet art de vivre des années qui suivirent le Congrès de Vienne : paix des familles, paix des nations qui fabriquent bijoux, miniatures, meubles en bois clair, élégants et confortables. Après la Terreur et les guerres napoléoniennes, entre nostalgie et espérance, le temps de la douceur de survivre.
PADOUE, Palazzo della Ragione, jusqu’au 10 septembre.
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Biedermeier entre paix et bois clair
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°518 du 1 juillet 2000, avec le titre suivant : Biedermeier entre paix et bois clair