Beyrouth, le temps arrêté

C’est aussi le titre qu’a choisi Stéphane Lagoutte (né en 1974) pour son travail de plusieurs années sur Beyrouth. Composé de cinq approches différentes de la ville, le portrait que le photographe dresse de la capitale libanaise se distingue de ceux qui lui sont communément accolés. Peut-être parce que son approche est indissociable de l’amour éprouvé pour celle qui est devenue sa femme – un lien qui l’a amené à connaître autrement la ville. En prenant d’abord le temps, celui de la marche et de l’appréhension progressive, puis celui de la création. Photographier Beyrouth c’est donner au passé et au présent, si étroitement imbriqués, une forme variable selon ce qu’ils convoquent, afin d’être au plus près d’une ville et de ses habitants malmenés depuis la guerre civile.

Aux diaporamas des manifestations de 2019-2020 précèdent ainsi des photographies et des dessins en grand format de personnes à leur balcon le regardant fixement. « Photographier les rues de Beyrouth éveille la suspicion », dit-il. Les plans rapprochés sur les regards jetés depuis une voiture sur le port, peu de temps après l’explosion du 4 août 2020, constituent une série frappante. Si les constructions anciennes ou nouvelles de Beyrouth racontent l’histoire de la ville depuis ces soixante dernières années, la mosaïque de portraits d’habitants des quartiers dévastés par la catastrophe, développés en différents formats, nous fait sentir au plus près leur réalité endeuillée, blessée et meurtrie par des événements qui leur ont, encore une fois, totalement échappé.