En attendant de prendre ses quartiers au Centre Georges Pompidou à l’automne prochain, c’est au K21 à Düsseldorf, berceau de la photographie « objective », berceau des Becher et de leur enseignement, que l’exposition consacrée au célèbre couple entame son périple.
Une exposition en forme de copieux hommage rétrospectif, à laquelle les deux artistes ont activement participé, classant, reprenant, associant des centaines de tirages pour n’en conserver qu’un éventail emblématique et rigoureux. Portraits de constructions isolées, typologies de bâtiments industriels, séries et accumulations de motifs architecturaux repérés au gré de leurs excursions en Grande-Bretagne, en France, aux États-Unis ou en Allemagne depuis plus de quarante ans, tout y est, illustrant sans surprise les principes théoriques et formels de Bernd et Hilla Becher. Si on ne compte plus les manifestations et publications vouées à l’influence des deux photographes, le parcours imaginé au K21 se propose de rendre compte de l’ensemble du vocabulaire objectif ordonnancé dès la fin des années 1950 par le jeune couple. Très vite et dans le sillage d’un August Sander, d’un Walker Evans ou d’un Albert Renger-Patzsch, un système pensé d’inventaire scientifique se met en place : stricts cadrages, montages en série, vues frontales, lisibilité du détail, travail du noir et blanc, qui provoquent
un processus de distanciation ou d’abstraction des structures industrielles photographiées, évinçant apparemment toute donnée physique et psychologique de l’expérience architecturale. Les châteaux d’eau, silos à charbon et autres vestiges industriels immuablement centrés sur un ciel blanc et sans repère contextuel véritable sont fixés par groupes d’images de même format sans que la composition ne réponde – semble-t-il – à une quelconque prescription esthétique. Et pourtant. Ce qu’Hilla Becher qualifie elle-même « d’anatomies comparatives […] inspirées de l’esprit de classification encyclopédique du XIXe siècle » ménagent curieusement la possibilité de faire référence à autre chose qu’au sujet photographié. Sculptures étranges, portraits détournés des concepteurs, maquettes, leurres, c’est au spectateur que revient finalement la responsabilité de relayer l’interprétation du photographe ou de réaliser la typologie suggérée par lui, pointant alors peut-être l’impossible neutralité photographique.
« Typologien industrieller Bauten, Bernd und Hilla Becher », DÜSSELDORF (Allemagne), K21, Ständehausstraße, tél. 02 11 83 81 600, jusqu’au 12 avril.
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Bernd et Hilla Becher : la photographie sans qualités
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Bernd et Hilla Becher : la photographie sans qualités