Beaugrand, points de vue

L’art de Catherine Beaugrand a ceci de particulier qu’il se manifeste tant dans la dimension du film que dans celle du spectacle et, dans ce cas, il en appelle aussi bien à la peinture et à l’image qu’à l’objet et à la vidéo. Préoccupé par la façon dont notre pensée s’informe et prend sens dans le champ de la représentation, il explore des registres aussi divers que les sciences humaines, la littérature et les mythologies échafaudant toutes sortes de propositions plastiques autour de la question du point de vue. Invitée à la Documenta X de Cassel en 1997, Catherine Beaugrand y avait présenté Luna Park, une œuvre constituée d’une maquette de grande roue mobile faite de pièces de jeu de construction plastique. Figure métaphorique d’un monde à partir duquel la vue sur celui-ci n’est jamais la même selon l’angle sous lequel on le regarde, elle est aussi la figure allusive de ces parcs d’attraction qui ne sont autres que de petits mondes en soi, agités par le spectaculaire. À Quimper, les visiteurs la découvriront associée à deux autres œuvres : la version vidéo de Pacifique comme un homme courageux (1995) et la version achevée du Projet Holbein entrepris par l’artiste en 1998. Composée d’une architecture de verre sur les parois de laquelle sont projetés trois films vidéos, cette dernière œuvre de Beaugrand questionne nos habitudes perceptives de l’espace et du temps et met en scène le monde contemporain. Le Projet Holbein renvoie aux travaux de perspective d’Holbein et aux cabinets d’optique de la Renaissance. Mais notre monde n’étant plus celui des tableaux à secrets, cette œuvre interroge le principe de représentation. C’est dire si la modernité remet en cause la tradition.