RIEHEN/ SUISSE
Né en 1938 sous le nom de Hans-Georg Kern à Deutschbaselitz (Allemagne), l’artiste allemand souffle sa quatre-vingtième bougie cette année.
Pour l’occasion, la Fondation Beyeler lui consacre une brillante rétrospective, en parallèle de l’exposition de dessins que lui dédie le Kunstmuseum de Bâle. Quatre-vingt-dix peintures et douze sculptures sont déployées suivant un parcours chronologique qui permet de saisir la puissance et la radicalité du travail de cet artiste qui a fait le choix de la figuration. Au fil du temps et des différents styles, cette œuvre tendue entre causticité et mélancolie, s’impose avec une cohérence sans faille.
L’exposition s’ouvre sur la Grande Nuit foutue de 1963 représentant un enfant défiguré avec un sexe surdimensionné entre les mains, qui suscita scandale et incompréhension au sein d’une Allemagne qui tentait de se reconstruire après la guerre. Aux premiers tableaux succèdent la série des Héros déchus, puis celles des Fractures iconoclastes. Ces œuvres de jeunesse offrent une plongée allégorique et parfois sanguinolente dans les fantasmes et traumas de l’artiste liés au sexe et à l’histoire allemande. Puis arrivent les premières toiles renversées de 1969. Sujets et facture changent. La toute première, La Forêt la tête en bas, manque ici à l’appel mais la série des portraits de sa femme, Elke, et de ses amis réalisées dans un style néo-naturaliste sont là pour mettre en lumière la révolution qui est à l’œuvre.
Ce « départ à zéro » pictural est d’ailleurs mis en dialogue avec la première sculpture produite en 1980 qui fit grand bruit lors de la Biennale de Venise, car associée au salut hitlérien, mais qui est surtout un retour à une forme de sculpture « pure » inspirée par l’art africain. La suite de la rétrospective montre combien les angoisses de l’artiste refont vite surface après la « pose réaliste » des années 1970. La Glaneuse de 1978 ou les têtes sculptées des Femmes de Dresde de 1990 témoignent d’un retour du refoulé de l’histoire, mais à présent de manière plus abstraite, plus archétypale, que dans ses œuvres de jeunesse.
La violence se concentre dans la facture. Les œuvres de la série des Remix mises à l’honneur confirment aussi le caractère obsessionnel de cette œuvre qui, par ailleurs, n’en finit pas de se réinventer. Pour preuve : la dernière série (2017) inspirée par un cauchemar qui prend le total contre-pied de l’œuvre de vieillesse, terrestre et érotique, de Picasso. Des corps et des visages plongés dans un étrange brouillard tels des corps célestes, oscillent entre une aspiration quasi mystique et le sens tragique d’une existence vouée à la mort et à la destruction.
« Georg Baselitz »,
Fondation Beyeler, Baselstrasse 101, Riehen (Suisse), www.fondationbeyeler.ch
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : Baselitz ou l’expérience de l’intensité