Baselitz

Par Céline Piettre · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 241 mots

Chez Georg Baselitz, la peinture est une matière souffrante. Appliquée avec les doigts, barbouillée à coups de pinceau furieux, elle présente ça et là des marques de traumatismes : griffures, écorchures, traînées brunâtres évoquant le sang ou la brûlure. Quant aux sculptures, celles qui ne sont pas profondément entaillées donnent l’impression d’avoir été grignotées par des rongeurs voraces. Toutes exposent leurs plaies et menacent de leurs arêtes coupantes.
Pour le peintre, sculpteur et graveur allemand, ces maltraitances sont comme les stigmates d’une histoire contemporaine abîmée par le nazisme et les génocides. Depuis cinquante ans, il dit les maux de l’Allemagne d’après-guerre, dans la veine formelle de l’expressionnisme de Munch et de Die Brücke. Renouant avec la figuration à une époque où l’art abstrait règne en maître, Georg Baselitz réinvente un genre au service de la mémoire et de ses tourments.
Un florilège de ses œuvres – dont les fameuses peintures renversées – est exposé aujourd’hui à la Royal Academy of Arts de Londres. Huiles, dessins à l’encre, sculptures en bois prennent place au sein d’une muséographie limpide. Dans la dernière salle, celle des Remix des années 2000, la couleur blanche triomphe. Nous voilà soudain envahis par une étrange sensation de calme, comme après un combat. La peinture semble apaisée – lavée pourrait-on dire. Les douleurs du passé n’y survivent qu’à l’état de fantôme...

« Georg Baselitz », Royal Academy of Arts, Burlington House, Picadilly, Londres (Grande-Bretagne), tél. 00 44 20 7300 8000, www.royalacademy.org.uk, jusqu’au 9 décembre 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Baselitz

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