RIEHEN / BÂLE
Riehen/Bâle. Musée d’Orsay et Fondation Beyeler, même histoire ? Pas tout à fait, car même si l’on trouve pratiquement les mêmes toiles à Bâle qu’à Paris (18 sept. 2018-6 janvier 2019), l’exposition est organisée d’une manière légèrement différente.
Les vastes salles de la fondation suisse favorisent une circulation fluide entre les œuvres et permettent à leurs spectateurs une distance juste. Le parcours reste chronologique et, de même qu’à Orsay, on observe que la période bleue reste la plus populaire, avec son côté sentimental, voire misérabiliste, et ses « icônes » commeLa Vie (1903). On remarque aussi que c’est avec la période rose – la couleur de la chair, ici des gens du voyage et des saltimbanques – que le peintre espagnol s’éloigne d’une peinture « classique » et commence ses expériences plastiques sous le signe du primitivisme. Pour cette période, on relève une absence de marque à Bâle, celle du chef-d’œuvre de la période rose, Meneur de cheval nu (1905-1906), en provenance du MoMA de New York, que les commissaires espéraient encore obtenir peu de temps avant l’événement. Absence partiellement rattrapée par la monumentale Femme assise, les jambes croisées (1906) venant de Prague.
Mais la différence principale avec Orsay se manifeste à Bâle dans l’ouverture au précubisme. La volonté est ici de remettre en cause la coupure brutale que fait généralement l’histoire de l’art entre les débuts de Picasso et le cubisme. Ils ont ainsi réuni dans une section quelques études préparatoires de ce tableau phare de la modernité datant de 1907, Les Demoiselles d’Avignon. Parmi ces travaux, Femme, une toile qui, tout en s’inscrivant dans le processus créatif de Picasso, apparaît comme une œuvre autonome splendide. Quelques reliefs et sculptures complètent la démonstration.
Puis, la Fondation a vidé les salles habituellement occupées par la collection permanente, afin d’y installer ce qu’elle nomme « Picasso Panorama ». Facile, quand on connaît l’admiration du propriétaire des lieux pour l’artiste espagnol. De fait, Ernst Beyeler possédait une trentaine de tableaux allant de la période cubiste aux dernières années du peintre. Qui plus est, la Fondation conserve en dépôt deux ensembles importants qui appartiennent respectivement à l’Anthax Collection Marx et au Rudolf Staechlin Family Trust. Même si toutes les périodes ne sont pas représentées de manière équitable – on regrette le faible nombre de collages et d’assemblages –, ce résumé de la production plastique de Picasso se révèle d’une extrême richesse. Mention spéciale aux œuvres réalisées durant les dernières années du peintre, longtemps décriées, que Beyeler affectionnait particulièrement. Nulle part ailleurs on ne sent aussi bien non seulement l’artiste, mais aussi l’homme et ses angoisses face au temps. Une fois n’est pas coutume, Picasso ne montre pas seulement sa puissance mais laisse apparaître ses faiblesses.
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À Bâle, « Picasso, périodes bleue et rose » met l’accent sur le précubisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°519 du 15 mars 2019, avec le titre suivant : À Bâle, « Picasso, périodes bleue et rose » met l’accent sur le précubisme