En juin 1890, un mois avant de mettre fin à ses jours, Van Gogh confie dans une lettre à sa sœur que le portrait le passionne par-dessus tout. Il précise : « Je ne cherche pas à faire cela par la ressemblance photographique mais par nos expressions passionnées, employant comme moyen d’expression et d’exaltation du caractère notre science et goût moderne de la couleur. » À l’instar du Greco, qu’il admirait, Vincent était un déraciné, de cette qualité d’être forcené qui côtoyait le vertige de la démence. La passion, l’expression, l’exaltation, la couleur : tout le vocabulaire qui va caractériser l’expressionnisme est là. Et, la jeune génération tant allemande qu’autrichienne qui va l’illustrer sait la dette considérable qu’elle lui doit. Alors que, dès le début du xxe siècle, on recense plus de cent soixante œuvres de Van Gogh dans les collections germaniques, l’art du Hollandais est à la source même de la création des deux groupes fondateurs de l’expressionnisme, Die Brücke à Dresde en 1905 et Der Blaue Reiter à Münich en 1911. Kirchner, Heckel, Schmidt-Rottluff pour le premier, Kandinsky, Jawlensky, Macke pour le second n’ont jamais caché combien la découverte de l’œuvre de Van Gogh les avait puissamment marqués.
À Vienne, celle-ci ayant été présentée dès le début du siècle, elle avait impressionné les artistes viennois tant par l’audace de sa technique que par son approche psychologique. Egon Schiele s’y est projeté au point même de s’identifier dans ses autoportraits à Vincent. Lovis Corinth et Oskar Kokoschka lui doivent de s’être inventé un style propre fondé sur l’intensification de la valeur des couleurs leur permettant d’aboutir à des visions expressives inédites.
L’exposition « Vincent Van Gogh et l’expressionnisme » que l’on peut voir à Amsterdam cet hiver rend justement compte de tous ces jeux d’influences qu’exerça très tôt l’œuvre de Vincent sur ce mouvement. Par-delà, elle en fait la figure tutélaire d’une histoire de la modernité, voire de la postmodernité, au regard d’une peinture de sujet qui en dépasse la simple anecdote formelle pour interroger l’être. C’est qu’il est bien plus question d’un rapport au monde et à soi, dans une approche quasi existentielle, que de toute autre problématique.
« Vincent Van Gogh et l’expressionnisme », Van Gogh Museum, Paulus Potterstraadt 7, Amsterdam (Pays-Bas), tél. 00 31 20 570 52 00, jusqu’au 4 mars 2007.
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Avant l’expressionnisme était Vincent Van Gogh
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : Avant l’expressionnisme était Vincent Van Gogh