Le musée Kimbell, au Texas, consacre une exposition à l’élaboration de l’imagerie chrétienne, où le visiteur peut admirer ce beau sarcophage du ive dit de la Traditio Legis.
Pendant des siècles, le christianisme a irrigué l’art occidental. Pourtant, la création d’une imagerie spécifiquement chrétienne est le fruit d’une longue histoire, entreprise seulement à partir du IIIe siècle. Alors que l’Empire romain décline, le christianisme est progressivement toléré, malgré plusieurs vagues de persécutions. Il ne deviendra religion d’État qu’à la fin du ive siècle. Pendant ces siècles s’élabore une iconographie spécifique, nourrie des influences antiques sur lesquelles elle vient se greffer, comme l’illustrent les objets présentés dans cette exposition. Ils ont été prêtés par les plus grands musées européens : musées du Vatican à Rome, Bibliothèque laurentienne et musée du Bargello à Florence, British Museum de Londres, le Louvre à Paris...
Les premières expressions de cet art chrétien se manifestent dans le courant du IIIe siècle. Elles sont alors clandestines, comme les lieux de culte et les catacombes où les chrétiens se réunissent et ornent les murs de peintures.
« Tu ne feras pas d’image... »
Les nouveaux convertis doivent néanmoins faire face à une contradiction. Le second commandement de Dieu à Moïse ordonne en effet : « Tu ne feras pas d’image taillée, ni aucune figure de ce qui est en haut dans le ciel, ou de ce qui est en bas sur la terre, ou de ce qui est dans les eaux en dessous de la terre ». Ce commandement se heurte à la tradition romaine de marquer les objets personnels d’un signe de reconnaissance.
Progressivement, apparaît donc une tolérance. Les anneaux sigillaires sont gravés de motifs d’orants ou, plus souvent, d’un poisson : en grec, les cinq lettres du mot « poisson » rappellent les initiales de Jésus-Christ. Le symbole devient alors signifiant. Les peintures des catacombes s’enrichissent d’une iconographie nouvelle inspirée de l’Ancien Testament, autour notamment des figures d’Abraham, d’Isaac ou de David.
Le tournant s’opère sous le règne de l’empereur Constantin, après sa conversion au christianisme. En 313, il promulgue l’édit de Milan qui tolère la religion chrétienne. L’empereur entreprend alors un mouvement de construction de sanctuaires pour abriter la communauté de fidèles. De grands décors, où des scènes de la vie du Christ sont désormais représentées, y sont exécutés. L’héritage gréco-romain persiste dans le traitement des figures et le décor architectural.
L’iconographie de l’Ancien Testament se répand de manière décomplexée, y compris sur les mosaïques, les cuves de sarcophages ou les ivoires.
La rencontre entre thèmes nouveaux et traditions païennes est propice à l’émergence d’une culture visuelle nouvelle. Le sarcophage dit de la Traditio Legis (dernier quart du ive siècle, marbre, musée de l’Arles antique), produit à Rome, illustre parfaitement la confrontation entre ces deux traditions.
Une sculpture somptuaire
De la réalisation à la livraison, un travail très rationalisé
Très fréquent, ce type de sarcophage en marbre était destiné aux membres de haut rang n’ayant pas renoncé à la tradition romaine – ne pas être anonyme dans la mort –, malgré leur conversion au christianisme. Forts de leur succès, ces sarcophages ont fait l’objet d’une production rationalisée, impliquant souvent une division du travail entre les artisans de la taille du marbre.
Durant le ive siècle, les ateliers romains ont exporté ces sarcophages jusqu’en Italie du Nord, en Gaule ou encore en Espagne, avant l’apparition d’ateliers provinciaux. La sculpture était souvent achevée sur place, après expédition, afin d’y ajouter les traits du défunt.
Traditio Legis
Le Christ remet la loi aux apôtres
Dès le IVe siècle, les cuves des sarcophages sont ornées de thèmes chrétiens, issus de l’Ancien Testament (scènes vétéro-testamentaires) puis du Nouveau Testament (scènes néo-testamentaires). Ici, c’est le thème de la Traditio Legis qui a été retenu. Celui-ci illustre la remise de la loi par le Christ aux apôtres. Figuré en majesté au centre de la frise et juché sur un monticule, entre Pierre et Paul, Jésus déborde du cadre d’architecture et s’impose comme figure majeure de la composition. De la main gauche, il remet le volumen aux apôtres, par lequel il leur ordonne d’aller « par le monde entier proclamer l’Évangile à toutes les créatures ».
Les apôtres
Pierre, Judas et les autres
La scène de transmission de la loi est l’occasion de figurer le collège apostolique entourant le Christ. Les douze disciples reçoivent en effet la mission de partir évangéliser les nations.
Or, sur cette cuve de sarcophage, la présence de onze personnages, en plus du Christ, peut prêter à confusion. Judas a-t-il volontairement été occulté, comme c’est parfois le cas, du fait de sa trahison ? Les détails des scènes latérales infirment cette hypothèse. Le collège des apôtres est en réalité représenté ici en raccourci, par seulement quatre apôtres.
À gauche est illustré l’épisode du lavement des pieds, au cours duquel le Christ, reconnaissable à sa longue chevelure, lave les pieds de Pierre. À droite (voir p. 95), Jésus est emmené devant Pilate qui le désigne de la main à la foule.
Inspiration romaine
Drapés et figures rappellent le naturalisme romain
Contrairement à d’autres sarcophages plus anciens, où le décor procède souvent d’une accumulation, le sarcophage d’Arles présente un discours plus structuré. L’histoire se déroule en une seule frise, découpée en plusieurs scènes encadrées par des arcatures à l’antique. Celles-ci sont décorées de frises d’oves, d’acanthes et de coquilles, dans la pure tradition romaine.
Le traitement des figures s’inspire également du naturalisme romain. Les drapés, moulant les corps, permettent de donner un dynamisme aux figures. Quant aux visages, ils rappellent les portraits de la statuaire romaine. Dès le ve siècle, ce style sera pourtant abandonné au profit d’un retour à des représentations plus abstraites, dans l’esprit du christianisme primitif.
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Aux origines de l’art chrétien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : Aux origines de l’art chrétien