Après quatre années de recherches menées sur leurs collections, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique, à Bruxelles, révèlent les secrets d’atelier du maître anversois.
BRUXELLES - Dans le cadre de recherches scientifiques et historiques réalisées sur leur fonds Rubens, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique (MRBAB) apportent de nouveaux éléments sur le processus créateur du maître anversois. L’institution bruxelloise possède, en effet, une cinquantaine d’œuvres autographes ou issues de l’atelier de Rubens, auxquelles il convient d’ajouter des tableaux que l’artiste exécuta en collaboration avec d’éminents confrères tels Jan Brueghel l’Ancien ou Antoon van Dyck. En 2003, un programme d’études a été lancé sur un ensemble d’esquisses, peintures de cabinet et tableaux d’autel datant de 1614 à 1640, périodes les plus fécondes. Les fruits de ces travaux sont aujourd’hui livrés au public à travers une vaste exposition, associant aux collections du MRBAB une soixantaine de prêts internationaux. « Il ne s’agit pas d’une rétrospective, préviennent d’emblée les deux commissaires de la manifestation, Joost Vander Auwera et Sabine van Sprang. Nous voulions surtout permettre au public de comprendre Rubens, d’approcher son œuvre au plus près ». Pour des raisons techniques – les grands formats ne pouvaient être déplacés –, le parcours se déroule dans les salles d’exposition permanente. Présentés, comme à leur habitude donc, dans la Grande Salle, les retables ont été enrichis d’esquisses et d’études préparatoires, tel ce précieux Modelo de la Montée au Calvaire (Musée universitaire de Berkeley aux États-Unis) montré aux côtés de l’œuvre finale. Ce dispositif permet de mettre en lumière les étapes d’élaboration des grands formats : Rubens réalisait d’abord des croquis et études détaillés puis une esquisse peinte qu’il soumettait au commanditaire et qui était ensuite utilisée pour l’exécution de l’œuvre finale en atelier. « D’un point de vue scientifique, les travaux ont ouvert de nouvelles perspectives à l’histoire de l’art. On découvre ainsi que Rubens a souvent travaillé de façon plus aventureuse encore que l’on supposait, qu’il se révèle encore plus multiple et sophistiqué que l’on ne le présumait. », précisent les commissaires. Rubens transposait ainsi la composition des esquisses sur la toile à la main levée, sans utiliser aucun système mécanique de reproduction à l’échelle. L’artiste pouvait intervenir au cours de toutes les phases de réalisation des œuvres, pour accentuer une attitude ou une expression. En témoigne Le Couronnement de la Vierge (vers 1620) où des rehauts de blanc sont visibles sur le front de Dieu. Le Martyre de saint Liévin porte lui aussi des traces de changements importants en cours d’exécution. La qualité du visage du saint, la finesse de son vêtement et les expressions de plusieurs tortionnaires sont sans nul doute de la main de Rubens. En revanche, le maître anversois ne semble pas (ou très peu) être intervenu dans la Pietà avec saint François. Essentiellement exécutée par un assistant, la toile est beaucoup moins convaincante que l’esquisse préparatoire conservée à Worms (Allemagne). La manifestation a également permis aux musées de restaurer cinq peintures : le Portrait d’Hélène Fourment, Le Couronnement de la Vierge, Le Christ et la femme adultère, la Vierge à la pervenche et le Triomphe de la Foi. En guise d’épilogue, des copies témoignent du succès remporté par Rubens, à l’image de ce Paysage avec la chasse d’Atalante, confronté à l’original provenant du Prado. L’engouement pour son œuvre fut tel que le marchand d’art Jacques de Roore (XVIIIe siècle) scia en deux Vénus et Cupidon dans la forge de Vulcain pour pouvoir vendre deux tableaux au lieu d’un. Une pratique peu scrupuleuse révélée par cette exposition aussi érudite que pédagogique.
Jusqu’au 27 janvier 2008, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 3, rue de la Régence, Bruxelles, tél. 32 2 508 32 11, www.fine-arts-museum.be, tlj sauf lundi, 10h-17h. Catalogue, 304 p., 39 euros, ISBN 978-90-209-7240-5.
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Au plus près de Rubens
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Abonnez-vous dès 1 €- Nombre d’œuvres : 120 - Commissariat : Sabine van Sprang et Joost Vander Auwera
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : Au plus près de Rubens