Art asiatique

Au pays du Matin-Calme

Le Journal des Arts

Le 15 avril 2005 - 519 mots

Un ensemble exceptionnel de peintures, encres, paravents et objets de lettrés illustrent au Musée Guimet le raffinement de l’art coréen sous la période Choson.

 PARIS - En 2001, sous le titre de « Nostalgies coréennes », le Musée Guimet dévoilait un ensemble de chefs-d’œuvre issus de la collection Lee Ufan. « La poésie de l’encre » montre aujourd’hui cent cinquante pièces – paravents, éventails, lettres et poèmes calligraphiés, objets… –, pour dresser un panorama de la peinture coréenne sous la période Choson, entre 1392 et 1910.
La partie la plus spectaculaire de l’exposition est celle consacrée aux représentations des quatre « plantes nobles », le bambou, le prunier, l’orchidée et le chrysanthème, motifs principaux de grands paravents au graphisme subtil. Les quatre plantes renvoient au rythme des saisons et correspondent, selon la pensée confucéenne, à différentes qualités de l’homme supérieur comme la modestie, le courage ou le raffinement. Ces végétaux apparaissaient déjà en Chine sous les Song du Sud, dans des peintures de petit format. Les lettrés coréens en font un thème fondamental. S’ajoute la vigne, symbole de repos, d’abondance et de prospérité, que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres ; en Corée, le jus de raisin est même parfois utilisé comme pigment. Les motifs végétaux sont intimement liés à l’art du pinceau et de l’encre, à la calligraphie, et donnent lieu à des compositions d’une extrême finesse. On les retrouve aussi sur des vases, des jarres, des coupes, des encriers, autant d’objets emblématiques de l’univers quotidien du lettré. L’exposition met en évidence des variétés de styles, de la précision des Bambous de Yu Tok-chang – paravent à dix panneaux –, à la composition dynamique et foisonnante de Choi Sok-hwan (Vigne et raisin, un paravent peint en partie au jus de raisin), en passant par les orchidées à peine esquissées de Yi Ha-ung. Autant d’exemples d’un naturalisme délicat que la scénographie vient souligner discrètement, suggérant la simplicité de l’intérieur des lettrés, jouant sur la succession des portes et le cloisonnement des espaces.
Ce parcours intimiste dévoile ensuite un ensemble de paysages montrant le lettré seul, pensif, parmi les arbres et les montagnes (Figure dans un paysage), ou conversant avec d’autres personnages (Deux lettrés dans un paysage montagneux). Enfin sont présentés quelques scènes de genre (Scènes de la vie Yangban) et un magnifique portrait – le seul de l’exposition – de Yi Han-ch’ol. Les animaux, les oiseaux figurent aussi parmi les sujets privilégiés de ces maîtres de l’encre et du pinceau, et donnent lieu à des compositions magistrales telles ces Oies sauvages au milieu des roseaux, un immense paravent en douze panneaux datant de la fin du XIXe siècle. À lui seul, il résume les caractéristiques principales de l’art du pinceau en Corée, pays du Matin-Calme : l’élégance de la ligne, l’harmonie de la composition et des couleurs, un hymne poétique aux merveilles de la nature.

A POÉSIE DE L’ENCRE. TRADITION LETTRÉE EN CORÉE (1392-1910)

Jusqu’au 6 juin, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6, place d’Iéna, 75116 Paris, tél. 01 56 52 53 00, www.museeguimet.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, fermé le 1er mai. Cat., coéd. RMN/Guimet/ARAA, 280 p., 225 ill., 48 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°213 du 15 avril 2005, avec le titre suivant : Au pays du Matin-Calme

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