AIX-EN-PROVENCE
Le musée aixois présente intégralement sa collection égyptienne dans une exposition qui alterne judicieusement mise en valeur formelle des objets et médiation multimédia.
Aix-en-Provence. Comment présenter une collection d’objets archéologiques ? À cette question, le Musée Granet à Aix-en-Provenec, et Christophe Barbotin, conservateur en chef du département des Antiquités égyptiennes du Louvre, répondent de la manière la plus simple possible : en la montrant comme une collection. Les 153 items qui constituent le fonds égyptien du musée aixois sont trop divers pour proposer un parcours exhaustivement chronologique, ou une visite à la thématique unique. L’exposition « Pharaon, Osiris et la momie » révèle plutôt au public le résultat d’une campagne de restauration complète de la collection, en variant les focales d’approche d’une salle à l’autre. La mise en valeur des objets et les rapprochements visuels entre artefacts guident l’œil du visiteur.
Mais pour présenter une collection, il faut d’abord évoquer les collectionneurs. L’exposition s’ouvre ainsi sur une salle où le visiteur peut saisir les enjeux qui ont présidé à la réunion de ces trésors au sein de cabinets de curiosité, puis dans les réserves du Musée Granet. Pour Fauris de Saint-Vincent (1750-1815), magistrat, archéologue et homme politique, et François Sallier (1767-1831), c’est l’érudition qui est à la source de leur intérêt pour l’égyptologie. Ce dernier, maire d’Aix au début du XIXe siècle, accueillit même Champollion à deux reprises pour soumettre à son expertise de précieux papyrus. L’essentiel de la collection aixoise fut constitué par cet édile amoureux de l’archéologie, mais cinq pièces proviennent également de François Marius Granet (1775-1849), le peintre qui a donné son nom au musée, et qui entretenait un rapport d’artiste avec les pièces de l’Égypte antique.
La scénographie des salles suivantes oscille entre ces deux regards, celui esthétisant, auquel invitent les cimaises dépouillées aux couleurs franches, et celui témoignant d’une curiosité érudite. Les pièces sont regroupées par thématique et organisées autour de quelques temps forts habilement mis en valeur : la grande statue royale du Louvre, qui dormait en dépôt dans les réserves du Musée des beaux-arts de Dijon, ouvre ainsi la séquence sur les portraits pharaoniques et l’élite administrative de l’Égypte antique, constituée d’une armée de scribes. C’est ensuite autour d’une curieuse momie de varan que se déploie la section du parcours consacrée aux cultes et divinités. Dans une atmosphère bleutée, la visite s’achève sur la découverte de la momie d’Aix et son sarcophage peint, que le visiteur découvre sous toutes les coutures grâce à un jeu de miroirs. Consacrée à « la vie après la mort », cette dernière salle présente une version du Livre des morts illustrée, que l’on peut parcourir le long des cimaises à la façon d’une bande dessinée.
L’exposition ne s’arrête pas là, car une explication de texte bienvenue attend le visiteur au second étage. Le parcours se divise donc en deux temps bien distincts, une découverte des objets qui laisse place à l’émerveillement tout en fournissant quelques clefs de lecture, et un espace entièrement dévolu à la médiation. Audiovisuel et interactif, ce « débriefing » n’a rien de rébarbatif, il est même ludique. Un grand écran tactile permet ainsi de jouer avec la tomographie (radiographie en trois dimensions) de la momie du varan, et de comprendre couche par couche la fabrication de cet objet de culte. Quatre vidéos rendent compte du travail important de restauration effectué sur la collection. Une mise au point chronologique permet également au visiteur de remettre de l’ordre dans les objets présentés de manière anachronique à l’étage inférieur.
Pour les passionnés de l’Égypte antique en demande d’un discours plus approfondi, il faudra se reporter au catalogue de l’exposition, qui commente avec précision chacune des œuvres présentées. Mais le but affiché ici est bien de s’adresser au public le plus large possible. Un défi ici relevé sans sacrifier à l’important travail scientifique mené par Christophe Barbotin sur cette collection depuis près de trente ans. Déjà commissaire de la première exposition consacré au fonds égyptien d’Aix-en-Provence en 1990, il a piloté ce partenariat entre le Musée Granet et le Musée du Louvre. Rendues à la lumière, et restaurées, les 153 pièces du musée aixois offrent un panorama complet de l’art égyptien, et comptent parmi elles quelques morceaux exceptionnels qu’il ne faut pas manquer. Comme ces deux grandes dalles de la XIe dynastie (XXIe siècle av. J.-C.) sculptées en bas relief, et encore polychromes, que Christophe Barbotin compare aux plus grands trésors du Louvre et du British Museum.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°553 du 16 octobre 2020, avec le titre suivant : Au Musée Granet, l’Égypte sort de sa réserve