Le Jeu de paume montre à Tours la cohérence formelle d’une décennie de commandes réalisées par le photographe autour du fleuve et ses paysages naturels, urbains ou semi-urbains.
Tours.« Regarder ces lieux laissés de côté, qui n’ont rien de spectaculaire mais qui fondent nos campagnes. En avoir un regard “d’ici et maintenant”, sans patriotisme, sans nostalgie non plus ou, s’il y en a une, ce serait dans la chose elle-même »,écrivait Thibaut Cuisset (1958-2017) en 2009 dans le cadre de son projet « Campagnes françaises », édité après sa disparition, chez Steidl, en 2018. Ses photographies de paysages portent cette conscience. La Loire n’y échappe pas, et cet extrait de texte, placé dans l’exposition que lui consacre le Jeu de paume au château de Tours, rend compte de la démarche et de la vision d’un photographe attentif tant aux paysages qu’aux réalisations humaines (voies terrestre, bâtis, cultures agricoles…) qui les forment et transforment. Le fleuve, ses rives et territoires alentours sont appréhendés dans leur acception actuelle, tandis qu’est totalement exempt des images le patrimoine spectaculaire et prestigieux des châteaux de la Loire.
L’exposition conçue par Camille Cuisset, sa fille, et Quentin Bajac, directeur du Jeu de paume, rend plus que sensible l’appréhension du fleuve par le photographe au fil de commandes passées entre 2001 et 2010. Les caractéristiques des commandes sont essentielles dans l’œuvre et Thibaut Cuisset n’a jamais omis de les mentionner. Car elles indiquent à chaque fois le périmètre géographique précis auquel il s’est référé et elles rentrent dans cette notion de « campagne photographique » qui lui était chère, dans la notion de témoignage qu’elle revêt et le voyage qu’elle sous-tend.
La réunion pour l’exposition de l’ensemble des séries portant sur la Loire est inédite et leur accrochage obéit à la chronologie de ces commandes. On accompagne ainsi le photographe dans un premier temps de Tours à Nevers (Nièvre) avant de suivre le fleuve depuis sa source au Mont-Gerbier-de-Jonc (Ardèche) jusqu’à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et l’estuaire. Au fil du voyage, le format des tirages s’agrandit, mais paysages et saisons se déclinent dans une même tonalité de lumière assortie à des états de cieux étales. Excepté dans deux ou trois photographies, l’individu ou l’animal est absent. Leur présence ne s’en inscrit pas moins dans le paysage, l’atmosphère posée de chaque image engageant à la contempler dans ses moindres détails.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°583 du 18 février 2022, avec le titre suivant : Au fil de la Loire avec Thibaut Cuisset
