Bande dessinée

1960 À NOS JOURS

Au Centre Pompidou, la BD selon Michel-Édouard Leclerc

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2024 - 516 mots

PARIS

Le collectionneur marque l’exposition de son empreinte.

Paris. Ce n’est pas la première exposition que le Centre Pompidou consacre à la bande dessinée, même si au cours des deux dernières décennies le musée n’a célébré que le centenaire d’Hergé, en 2006, conjointement avec la Fondation Hergé. Mais « La BD à tous les étages » fera certainement date par son ambition, affichée dès son titre. Tous les espaces de l’institution sont en effet concernés, des galeries du sous-sol aux collections permanentes, en passant par la Bibliothèque publique d’information où est présenté un focus sur « Corto Maltese ». La principale exposition, qui se déploie au 6e niveau, embrasse soixante ans de création. Le choix d’une date fondatrice, 1964, pour faire débuter le parcours – au moment où se forge l’appellation « neuvième art » – signale le point de vue historique du propos, et son ampleur. L’introduction met en effet l’accent sur les différents foyers géographiques de contre-culture où s’invente la BD d’auteur dans les années 1960, avec des magazines « pour adultes » comme Hara-Kiri en France, Garo au Japon, ou encore la revue Zap Comix aux États-Unis, dont Robert Crumb signe plusieurs couvertures.

La dimension immersive de la scénographie s’affirme également d’entrée, avec des jeux d’échelle alternant de grands panneaux, à l’image de la création murale de Blutch, avec des planches. Découpé en douze sections thématiques (rire, anticipation, effroi…), le parcours réunit plus de 130 auteurs.« Nous sommes partis de thématiques qui grandissent dans les années 1960 et qui se prolongent jusque dans les créations les plus contemporaines, comme l’histoire, le reportage et l’autobiographie, explique Lucas Hureau, directeur de Mel Compagnie des arts (propriété de Michel-Édouard Leclerc) et conseiller scientifique de l’exposition. Nous avons privilégié la narration au travers de séquences, d’albums complets ou d’histoires courtes comme celle de Lorenzo Mattotti, qui adapte une chanson de Bob Dylan diffusée en fond sonore. »

Ce foisonnement de récits et d’images, remarquablement scénographié, invite à passer de l’humour sociologique de Claire Bretécher aux fictions métaphysiques de Moebius, des « Cités obscures » de François Schuiten et Benoît Peteers au Pinocchio de Winshluss, des cauchemars de Killoffer au récit de la Shoah par Art Spiegelman, des plans géographiques de Chris Ware aux visions hallucinées d’Emil Ferris. L’accrochage offre des tête-à-tête saisissants avec des auteurs audacieux, parmi lesquels Philippe Druillet, dont la particularité est de concevoir chaque planche comme un tableau – voir les dessins somptueusement baroques du « Lone Sloane ». « Le projet doit énormément au partenariat avec le Fonds Hélène et Édouard Leclerc [FHEL] qui a été déterminant, souligne Lucas Hureau. La rencontre, à l’occasion de l’exposition “Cabinets de curiosités”, du FHEL et de Laurent Le Bon, a permis de réfléchir très tôt à la valorisation muséale du 9e art. Le Fonds Hélène et Édouard Leclerc a mis à la disposition du Centre Pompidou son expérience dans les expositions de bande dessinée, son réseau relationnel constitué de collectionneurs privés, d’artistes, d’éditeurs, d’institutions comme la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image [à Angoulême] et le Billy Ireland Cartoon Library & Museum [à Colombus, Ohio], et bien sûr la formidable collection de Michel-Édouard Leclerc, qui a servi de socle. »

La BD à tous les étages : « Bande dessinée (1964-2024) », « La bande dessinée au musée » », « Corto Maltese »,
jusqu’au 4 novembre, Centre Pompidou, niveaux 6, 5 et 2, place Georges-Pompidou, 75004 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Au Centre Pompidou, la BD selon Michel-Édouard Leclerc

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