Lexique de la mode jouant des apparences pour assurer le spectacle et le faste des élites de l’Histoire.
CALAIS - Ventre plat, cheville légère, cuisse galbée… La culture du corps sain et tonique, auquel le vêtement ne pardonne aucun défaut, ne date que d’un siècle à peine. Avant la Première Guerre mondiale et ses privations, ce même corps a vécu dissimulé pendant des siècles sous différentes carapaces vestimentaires à fonctions multiples : véhiculer une image, un statut, contraindre le corps pour assurer un port altier, mais aussi le protéger tant sur le plan psychologique que physique. Corset, pourpoint, busc, panier ou crinoline sont autant d’éléments, rassemblés sous le terme d’exosquelette, qu’examinent les commissaires de « Plein les yeux ! » à la Cité internationale de la dentelle et de la mode – Isabelle Paresys, enseignante-chercheuse en histoire à l’université de Lille 3-CNRS, et Shazia Boucher, attachée de conservation et responsable du département mode au musée. Les tenues d’apparat des XVIe et XVIIe siècles sont si rares et si fragiles qu’il faut cependant se contenter d’admirer en quelques peintures les étoffes chatoyantes modelées par des vertugadins (boudins attachés au niveau des hanches), les broderies d’or et d’argent ornant les manches à crevés, et autres soies satinées arborées par la noblesse et la grande bourgeoisie de France et de Flandre. Seul un col à rebato, bordé de dentelles, prêté par le Musée national de la Renaissance à Écouen, offre un témoignage direct de l’engouement sans précédent pour la fraise qui traversa l’Europe de la fin du XVIe au début du XVIIe siècle. Accessoire unisexe, dont la complexité d’exécution était proportionnelle au statut de son propriétaire, la fraise fait partie de ces ajouts et extensions vestimentaires imaginés pour que l’habit fasse le moine. « Plein les yeux ! » s’intéresse aussi à la manière dont ces artifices contraignants ont été revisités par les costumiers de théâtre et de cinéma, mais aussi par les nouveaux chantres de la haute couture parisienne. Les exemples ne sont pas nombreux mais ils visent juste. On apprend par exemple que fraises et chapeaux ont été escamotés sur le plateau de La Reine Margot, car le réalisateur Patrice Chéreau, concentré sur les émotions, n’arrivait pas à cadrer les visages. Et qu’un costume de théâtre peut être tout aussi contraignant qu’un costume historique : au festival d’Avignon en 1985, l’actrice jouant le rôle de Lady Macbeth n’a jamais pu porter la robe dessinée par Thierry Mugler, ornée de plusieurs centaines de clous argentés et pesant… trente-quatre kilos !
Jusqu’au 28 avril, Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais, 135, quai du Commerce, 62100 Calais, tél. 03 21 00 42 30, www.cite-dentelle.fr, tlj sauf mardi 10h-17h, à partir du 1er avril 10h-18h. Catalogue bilingue français-anglais, Silvana Editoriale, 128 p., 22 €
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Attention les yeux !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°388 du 29 mars 2013, avec le titre suivant : Attention les yeux !