Injustement méconnue, l’œuvre de Jean-Michel Atlan (1913-1960) compte pourtant parmi l’une des plus prospectives aventures abstraites de l’après-guerre.
Issu d’une famille de Constantine passionnée par la Kabbale, professeur de philosophie, résistant de la première heure, arrêté puis incarcéré sous l’Occupation, Atlan sombre un temps dans la folie avant d’engager une carrière artistique. En l’espace d’une quinzaine d’années et d’une reconnaissance internationale, il s’impose comme l’un des représentants les plus accomplis de l’art informel.
Une œuvre d’Atlan a ceci de si puissant et de si singulier qu’elle se reconnaît au premier coup d’œil. Fortement structurées à l’appui d’un réseau de lignes noires épaisses qui contournent ses
formes, ses peintures s’appliquent à « appréhender les rythmes essentiels de la nature », comme il le dit, à « les capter » comme le sismographe d’une nécessité intérieure. Quelque chose d’impérieux y est à l’œuvre qui sourd d’une profondeur proprement existentielle en pleine phase avec son époque. Et qui contribue à instruire comme une abstraction sensible et humaniste.
C’est qu’il y va d’une façon de survivre et d’une volonté déclarée de danser la vie. D’en célébrer le mystère aussi, comme dans cette imposante toile intitulée Rhapsodie gitane de 1958, à la lisière d’une icône primitive et sacrée. Intense et secret, si l’art d’Atlan s’informe ainsi de rythmes essentiels et vitaux, il accorde à la matière une place de premier choix pour ce qu’elle les anime et les incarne. Pour ce que, chez lui, la peinture se fait chair.
En rassemblant dix-sept œuvres importantes du peintre, sur le mode rétrospectif, parmi lesquelles des pièces telles que Kybalion (1956) ou Ishtar II (1958), Jacques Elbaz réussit là non seulement un coup de maître que les institutions peuvent lui jalouser, mais nous permet de mesurer l’ampleur et la force de résistance de sa démarche. Une façon bien venue de reconsidérer tant un artiste qu’une période que les temps contemporains ont tendance à vouloir trop hâtivement négliger.
Voir « Atlan, peintures », galerie Jacques Elbaz, 1, rue d’Alger, Paris Ier, tél. 01”‰40”‰20”‰98”‰07, jusqu’au 22 mars 2008.
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Atlan, la peinture résistante
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : Atlan, la peinture résistante