Artistes et galeries à travers le monde (30 mars 2001)

L’actualité de l’art contemporain

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2001 - 1278 mots

LONDRES
Christine Borland emploie les moyens qui lui semblent les plus appropriés pour mener à bien ses enquêtes sur les systèmes judiciaires, médicaux et historiques qui étayent et contrôlent nos modes de vie. Son exposition d’œuvres récentes à la Lisson Gallery est faite de pièces mobiles recomposant, avec des pierres semi-précieuses, des histoires de familles en trois dimensions, une projection vidéo d’une araignée tissant une sphère dorée et l’installation d’un jardin de plantes traditionnellement utilisées pour les avortements.

Lisson Gallery, 52-54 Bell Street, Londres, tél. 44 20 7434 228, jusqu’au 5 mai.

Penchés sur les caprices de la condition humaine, les dessins et photographies de David Shrigley font référence, avec un humour noir, à des situations insoutenables évoquées dans l’espace de la Stephen Friedman Gallery. L’exposition réunit un ensemble d’œuvres de ce créateur des plus singuliers et originaux : des dessins à l’encre, des acryliques sur papier, tel Untitled (me doing this) figurant l’artiste dessinant en noir et blanc au centre de la feuille.

Stephen Friedman Gallery, 25-28 Old Burlington Street, Londres, tél. 44 20 7494 1434, jusqu’au 11 avril.

Angus Fairhurst s’est fait chroniqueur des conditions qui définissent et tourmentent l’homo sapiens. « Plus ou moins Angus Fairhurst », à la Sadie Coles Gallery, présente dessins et esquisses dont les éléments sont partiellement effacés tandis que des textes animés illustrent l’absurdité de la rupture entre idées et images.

Sadie Coles HQ, 35 Heddon Street, Londres, tél. 44 20 7434 2227, jusqu’au 12 avril.


NEW YORK
Nombreux sont les artistes qui ont transposé leurs rêves et il existe un véritable genre pictural du « carnet onirique ». Aucun d’eux, cependant, ne s’est employé à dépeindre ses cauchemars de façon plus systématique et loufoque que Jim Shaw. La Metro Pictures Gallery de New York accueille ses récentes extravagances, avec la plus grande rétrospective consacrée à son « dream project ». Des sculptures effrayantes, des esquisses assez détaillées pour faire froid dans le dos, des statues religieuses mais peu catholiques, autant d’objets mystérieux qui y sont rassemblés en vrac. Après l’Institut d’art contemporain de Londres, le Mamco de Genève ou le Moca de Los Angeles, Jim Shaw s’est, inconsciemment, révélé être un maître du chaos. Metro Pictures Gallery, 519 West 24th Street, New York, tél. 1 212 206 7100, jusqu’au 21 avril. L’amnésie chronique du milieu de l’art contemporain est de plus en plus mise à défaut par de petites expositions de groupe qui, par leur approche historique, cherchent à rappeler à la jeune génération ce que fut le passé artistique. Après l’exposition réussie, consacrée par la D’Amelio Terras Gallery aux années 1970, c’est désormais à la Curt Marcus Gallery de constituer un trio d’enfer composé de Barry Le Va, Richard Nonas et Fred Sandback. Figure clé des jeunes artistes, Barry Le Va a récemment marqué les esprits dans l’exposition du Musée Whitney « American Century ». Cette exposition permet au trio de se défaire de l’étiquette minimaliste et de prouver la pertinence de sa démarche.

Curt Marcus Gallery, 578 Broadway, New York, tél. 1 212 266 3200, jusqu’au 14 avril.


PARIS
Les toiles de Ian Davenport renvoient de manière constante à leur processus de réalisation : l’usage qu’il fait de couleurs industrielles – rose pastel, bleu électrique ou rouge intense – affirme le refus de toute interprétation, et révèle l’attachement à l’objet tableau. Pour sa seconde exposition personnelle à la galerie Xippas, l’artiste a choisi l’ensemble des œuvres présentées dernièrement à la Tate Gallery de Liverpool, dans le cadre de « Project Space ». Il s’agit essentiellement de polyptyques aux surfaces brillantes et lisses, reflétant l’architecture des lieux pour nous en livrer une nouvelle lecture.

Galerie Xippas, 108 rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, tél. 01 40 27 05 55, jusqu’au 28 avril.

Depuis 1998, l’artiste suisse Fabrice Gygi construit ou fait construire industriellement des structures à base de bâches, acier, bois, tubulaires qui semblent dévolues à des « raves », des regroupements sportifs ou religieux. La netteté de ses installations, loin d’être innocente, trahit une violence contenue, une forme de répression ou de menace. En empruntant au vocabulaire de la construction provisoire, Fabrice Gygi désacralise l’œuvre d’art et fait d’elle un objet de réflexion plutôt que de contemplation. Pour cette nouvelle étape à la galerie Chantal Crousel, il a sélectionné la Tente bar (1997), Poubelles-tonneaux, éléments de la Vidéothèque mobile (1998), la Scène (2000), a créé, en collaboration avec Sydney Stucki, le Distributeur de bougies (2000) et a réalisé tout spécialement : Airbag generation, 2001, Yellow.

Galerie Chantal Crousel, 40 rue Quincampoix, 75004 Paris, tél. 01 42 77 38 87, www.crousel.net, jusqu’au 28 avril.

« Faire du design, pour moi, ce n’est pas donner forme à un produit ; un produit plus ou moins stupide pour une industrie plus ou moins luxueuse. Pour moi, le design est une façon de débattre de la vie, des rapports sociaux, de politique, de cuisine et même du design lui-même », affirmait Ettore Sottsass, en 1981, au moment de la fondation du groupe Memphis. Verre et miroir, céramique et porcelaine, bois ou mélaminé, plastique, matériel électronique, luminaires… Celui qu’on appelle « le pape du design » a marqué de son empreinte tous les médiums qu’il a utilisés. Avec lui, la coupe est devenu calice ; un simple cendrier, matrice féminin ; un vase, sexe turgescent. Les quarante-trois photographies de la série « Métafore » (réalisée dans les années 1970), parmi lesquelles figurent Design pour les destins de l’Homme, Design pour les droits de l’Homme et Design pour les besoins des animaux, remettent profondément en question des notions comme le fonctionnalisme, le bon goût ou le confort d’usage.

Galerie Kréo, 22 rue Duchefdelaville, 75013 Paris, tél. 01 53 60 15 96, jusqu’au 21 avril.

« L’Espace d’un instant », installation spécialement créée par Daniel Buren pour la galerie Marian Goodman, nous plonge dans un univers vertigineux : les verrières colorées créent une lumière éblouissante tandis que d’immenses miroirs posés en biais fragmentent l’espace. L’ensemble est évidemment accompagné des larges bandes verticales, marque de fabrique du créateur.

Galerie Marian Goodman, 79 rue du Temple, 75003 Paris, tél. 01 48 04 70 52, jusqu’au 21 avril.

La galerie Arlogos accueille deux ensembles complexes, imaginés par Robert Filliou et Joachim Pfeufer. Imposante structure en acier de 5 mètres de haut et 2,5 mètres de diamètre, La Tour historique fait partie, depuis 1963, de la proposition initiale du Poïpoïdrome décrit par Robert Filliou et Joachim Pfeufer. Réalisée grandeur nature, elle est constituée de seize niveaux qui tournent les uns par rapport aux autres et qui offrent seize casiers chacun, dans lesquels le visiteur peut poser des objets et modifier ainsi l’aspect initial de la tour. Boulonné sur une chaise de bureau en plastique beige, Le Fichier Poïpoï, a, quant à lui, la forme d’un fichier rotatif de bureau muni de fiches tamponnées : « sujet, objet, nom, date ». Il accumule les mots, les phrases et réflexions, auxquels il est possible de s’associer, en remplissant une fiche et en l’intégrant à l’ensemble.

Galerie Arlogos, 6 rue du Pont-de-Lodi, 75006 Paris, tél. 01 44 07 33 50, jusqu’au 12 mai.

Inventeur invétéré, Paolo Gioli expérimente, déconstruit, transgresse les frontières, profitant dans sa série Attraverso (1995-2000) des ressources de la « photo-finish ». Il a mis au point un procédé inédit qui donne naissance à de véritables images mentales, entrechoquant le signe et la figure, le mouvement et la mémoire. Manuellement, il déroule le film, tandis qu’entre l’objet photographié et l’appareil a été placé un négatif représentant aussi bien un circuit électronique que la spirale de Duchamp, une statue, que des poils ou des insectes. Une sélection de ses films est par ailleurs diffusée dans la galerie.

Galerie Michèle Chomette, 24 rue Beaubourg, 75003 Paris, tél. 01 42 78 05 62, jusqu’au 21 avril.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Artistes et galeries à travers le monde (30 mars 2001)

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