PARIS - Montée à l’hiver 2010 au Los Angeles County Museum of Art (Lacma) à l’initiative de Stephen Markel, chef du département des arts de l’Asie du Sud et du Sud-Est, « Lucknow » propose au Musée Guimet, à Paris, une réflexion d’envergure sur l’Inde comme patrie du métissage.
À partir de la tradition artistique hybride de la cour royale de cette ville située dans l’Inde du Nord, l’exposition dépeint une société aux influences historiques et culturelles à la fois orientales et occidentales, par le fait colonial.
Le parcours, chronologique, plonge le visiteur dans l’atmosphère princière et somptueuse de la cour royale de Lucknow, grâce à une scénographie luxueuse aux couleurs chamarrées, marque de fabrique de l’art indien. Niché au sein de la province de l’Awadh, aux confins du Népal actuel, Lucknow s’y développa au XVIIIe siècle. L’essor soudain de cette région coïncida avec la chute de Dehli, qui suivit son sac en 1739 par les Perses. Dès la première salle, les portraits des potentats locaux réalisés à la manière occidentale mais par les artistes indiens ou les copies indiennes de peinture française au sujet oriental témoignent de ce va-et-vient incessant entre les cultures. Accueillant d’illustres figures de l’intelligentsia indienne fuyant une capitale dévastée, ainsi que des résidents européens à la fois amateurs d’art, collectionneurs ou artistes, Lucknow s’établit comme creuset artistique interculturel.
Photographies d’architecture
Plus loin, les bijoux, peintures, manuscrits enluminés ou costumes, objets tous envahis d’ornements floraux issus des miniatures persanes, restituent l’effervescence cosmopolite de la ville, entretenue par ses dirigeants, entre répertoire moghol, occidental ou proprement indien. Ces nawab se servirent de l’art pour asseoir leur pouvoir devant l’emprise économique et politique de la Compagnie anglaise des Indes orientales. En réaction à cette domination britannique, cristallisée par l’annexion de la province en 1803, éclata en 1857 la révolte des Cipayes. La rébellion marqua fortement l’imaginaire populaire indien et européen. Face au saccage de la ville, les Européens se hâtèrent de photographier les décombres qui permettaient de rehausser l’héroïsme britannique lors des combats coloniaux. Une grande place est allouée dans le parcours aux photographies d’architecture. Au travers des ruines d’édifices dont les porches voûtés (iwan) côtoient un décor à chevrons et balustrades italiennes, ces images reflètent le fossé qui se creusa alors inexorablement entre les deux sociétés.
UNE COUR ROYALE EN INDE, LUCKNOW, XVIIIe-XIXe siècle
Jusqu’au 11 juillet, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6, place d’Iéna, 75016, Paris, tél. 01 56 52 53 00, www.guimet.fr, tlj 10h-18h, fermé le mardi. Catalogue, éd. Réunion des musées nationaux, 271 p., 45 euros, ISBN 978-2-7118-5811-8.
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Art métissé
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Abonnez-vous dès 1 €Commissariat : Amina Taha Hussein-Okada, conservatrice en chef au Musée Guimet
Scénographie : Giada Ricci
Nombre d’œuvres : 210
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Art métissé