Plus historique qu’exploratoire, plus solide et respectable que vraiment surprenante, l’exposition du Mudam pose des jalons, balise un sujet – art et destruction – encore jamais abordé sur les cimaises. Et pour cause : « Tout acte de création est d’abord un acte de destruction », disait Picasso.
Le thème est abyssal, le résultat forcément lacunaire. Les deux commissaires, le directeur de l’Academy Museum de Washington Kerry Brougher et le professeur de l’Université de Californie Russell Ferguson, ont fait le job, comme on dit, sérieusement, proprement. En privilégiant une certaine monumentalité – même les vidéos prennent un aspect sculptural. De belles pièces, des pièces majeures, parfois un peu prévisibles, ponctuent le parcours. De l’atrium du musée où le piano de Raphael Montañez Ortiz attend sa destruction annoncée (à coups de haches, le soir du vernissage) au sous-sol, entravé par le train déraillé de Juan Muñoz, ligne brisée prémonitoire de la mort de l’artiste. Des œuvres cultes de l’histoire de la casse en art, comme la crémation de ses propres peintures par John Baldessari en 1970 ou, plus tard, la vidéo montrant Michael Landy détruire méticuleusement tous ses biens personnels. Des œuvres qui ont marqué ces dernières années : portraits brûlés de Douglas Gordon et jubilatoire Ever is Over All de Pipilotti Rist. Dans cette vidéo, une jeune femme souriante en robe légère pulvérise les vitres d’une file de voitures. Revanche joyeuse de la féminité. Saccage sous contrôle, annonciateur d’une renaissance. Hantée d’abord par la bombe H et la Shoah, sous le patronage des peintures happenings à l’acide de Gustav Metzger (dont les parents sont morts déportés), l’exposition dévoile petit à petit ses forces vives. Les photos d’accidents de voiture d’Arnold Odermatt (cet ancien policier suisse) semblent signer la fin du vieux monde. Les iconoclasmes nourrissent la création future. Chez Wall et Demand, la destruction se construit de toutes pièces ; chez Joe Sola, elle devient burlesque et sanglante, les têtes explosent sous l’intensité destructrice de l’art. Shiva prend définitivement le dessus sur Godzilla.
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Art et destruction sous contrôle
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Art et destruction sous contrôle