Le Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein revient sur l’identité visuelle des compagnies aériennes.
WEIL-AM-RHEIN - Rarement activité commerciale ne se sera autant souciée de son image globale que la navigation aérienne civile. Après avoir, au lendemain de la Première Guerre mondiale, fixé ses propres standards techniques, elle a, en effet, inventé de pied en cap ses canons esthétiques : la silhouette des aéroports, l’aménagement intérieur des aéronefs, le style de la vaisselle de bord, les tenues des hôtesses de l’air, l’identité visuelle des compagnies aériennes, le graphisme des affiches publicitaires ou des billets d’avion… Pas étonnant alors que chaque flotte, a fortiori nationale, ait fait appel aux créateurs en vogue du moment, comme le montre l’exposition du Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein (Allemagne), près de Bâle, intitulée « Airworld, design et architecture dans l’aéronautique ».
Avant le vol proprement dit, cette règle est d’abord appliquée à l’architecture des lieux d’embarquement. Photographies d’époque et maquettes en content l’évolution formelle, du Tempelhof à Berlin (1936-1941), vaste hangar en arc de cercle sous lequel viennent se garer les aéroplanes, au très rigoriste aéroport de Stansted, à Londres (1986-1991), dessiné par Norman Foster. Sans oublier le hub de Roissy-Charles-de-Gaulle conçu par Paul Andreu et la société Aéroports de Paris, du révolutionnaire terminal 1 (1967-1974) au désormais tragique terminal 2E (2003) – dont le Centre Pompidou a prêté la maquette au Vitra Design Museum bien avant qu’une partie de la jetée d’embarquement ne s’effondre, le 23 mai. L’une des plus éclatantes réussites esthétiques reste néanmoins le terminal de la compagnie américaine TWA, élégant coléoptère de béton et de verre, réalisé à New York entre 1956 et 1962 par Eero Saarinen.
À regarder les maquettes d’avions, on se dit qu’il n’y a finalement pas grande différence entre les rêveurs d’aujourd’hui et ceux d’hier. L’aile volante noire et furtive de Luigi Colani n’est pas si éloignée de l’Airliner n° 4, palace volant de 600 places que Norman Bel Geddes imagina en 1929. En revanche, il y a un monde entre les premiers avions de ligne et les futurs Airbus A 380 (2006) ou Boeing 7E7 Dreamliner (2008). Dès 1926, le Ford Tri-Motor accueille de 12 à 18 (intrépides) passagers dans des fauteuils en osier. Trois sièges, issus de la collection Vitra, montrent l’amélioration du confort, entre 1927 et 1930, d’une assise en osier à une autre en aluminium recouvert de cuir. Évolution, certes, mais rien à voir encore avec le luxe des fauteuils actuels, tels le Skysleeper de Ross Lovegrove pour la Japan Airlines ou le Skybed de Marc Newson pour Qantas.
Collections extravagantes
Les designers n’ont évidemment pas oublié de se frotter à l’un des symboles du voyage aérien : le « plateau-repas », apparu dans les années 1950. On peut citer le Finlandais Tapio Wirkkala pour Finnair et l’Allemand Wilhelm Wagenfeld pour Lufthansa, sans oublier Joe Colombo et sa fameuse collection « Linea 1972 » pour Alitalia, ou Nick Roericht et cet étonnant prototype en Luran perforé pour Lufthansa (1967). Les stylistes de mode, également, sont appelés à la rescousse pour élaborer les tenues des personnels navigants. Air France est, sans doute, la compagnie qui en consomme le plus : Dior, Balenciaga, Carven, Nina Ricci, Louis Féraud, Jean Patou, en attendant… Christian Lacroix, en 2005. Dans l’ensemble, les uniformes se révèlent plutôt stricts. On est bien loin des collections extravagantes et joyeuses que le styliste Émilio Pucci dessina, entre 1965 et 1974, pour la Braniff International. À cette époque, la flotte américaine était au faîte de la créativité. Le designer Alexander Girard l’avait alors habillée de sept couleurs : deux bleus, deux beiges, jaune, orange et menthe. Sept nuances qui se déclinaient tous azimuts : du fuselage de l’appareil à l’uniforme des hôtesses, des sièges de l’avion au… papier de toilette. « Vous pouvez voyager sept fois sur Braniff International sans voler deux fois de suite sur la même couleur », promettait le slogan.
Paradoxalement, pour une exposition sur l’aéronautique, la scénographie se révèle pesante. Ce squelette de carlingue d’avion est inutile. Pis, les supports de présentation, qui simulent les structures en nid-d’abeilles utilisées en aéronautique, étouffent quelque peu les pièces qu’ils étaient censés valoriser. Bref, on aurait aimé quelque chose de plus… aérien !
Jusqu’au 9 janvier 2005, Vitra Design Museum, Charles-Eames-Strasse 1, Weil-am-Rhein, Allemagne, tél. 49 7621 702 32 00, tlj sauf lundi 11h-18h, www.designmuseum.de
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Architectes et designers, hôtes de l’air
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°197 du 8 juillet 2004, avec le titre suivant : Architectes et designers, hôtes de l’air