En quoi le langage informatique peut-il être une opportunité de renouveler le langage des formes ? C’est, en résumé, la question qui sert de fil conducteur à la (modeste) rétrospective que le Cube consacre à Anne-Sarah Le Meur.
Pour cette pionnière de l’art numérique en France – elle réalise sa première animation en 1990 alors qu’elle est encore étudiante au département Arts et technologies de l’image à Paris 8 –, les technologies de modélisation 3D sont au service d’une recherche plastique pleine de paradoxes et de contrepoints : dans l’ombre, elle traque la lumière, dans le mouvement la fixité, dans le relief la planéité. Dans « Au creux de l’obscur », cette manière de chercher en tout son point de bascule se décline au travers d’un corpus très divers, où se trouvent résumés trente ans de carrière. Le gros de l’exposition consiste en une série de tirages 3D abstraits où se décèle l’influence de Rothko et de natures mortes texturées. On pourra passer rapidement ces œuvres-là. Plus saisissantes sont les animations, les performances enregistrées et surtout les pièces génératives qu’Anne-Sarah Le Meur crée à partir du milieu des années 2000. Minimalistes, elles déroulent sur écran de discrètes pulsations lumineuses et des ondulations à la matité soyeuse, et s’offrent pour autant d’abstractions en mouvement, dont l’effet 3D est lissé. Mais de la rétrospective, Outre-ronde, installation interactive initiée dès 2003, est évidemment la pièce maîtresse. Sur un écran de 360°, elle instaure avec le spectateur muni d’un casque et placé en son centre un jeu d’esquives qui lui fixe les règles du jeu. À savoir : apprivoiser les images qui apparaissent dans son champ de vision, puis se dérobent dès qu’on cherche trop rapidement à les saisir…
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : Anne-Sarah Le Meur, pionnière du numérique