Premières expositions muséales en France pour cet artiste hors norme. Peintre, mais pas seulement, attaché à la Figuration libre des années 1980, Jean-Michel Alberola distord la peinture d’histoire autant que l’histoire de la peinture. Revitalisant.
Mais qu’est-ce qui a donc poussé Jean-Michel Alberola, quand il est apparu sur la scène artistique au début des années 1980, à vouloir se glisser dans la peau d’Actéon en signant ses œuvres d’un tel pseudonyme ? Qui plus est, en recourant à la formule latine « Acteon fecit » ou « Acteon pinxit », selon la vieille tradition renaissante ! À une époque où la peinture faisait un retour fulgurant et s’ouvrait notamment aux cultures les plus triviales – le rock, la BD et la télé –, il fallait ne pas craindre d’être marginalisé. Mais voilà, la marge est bel et bien le fait de cet artiste originaire de Saïda, en Algérie, où il est né en 1953.
La synthèse des deux Marcel
Alors que la Figuration libre se nourrissait d’images délurées, Alberola reprenait à son compte les grands thèmes de l’histoire de l’art, déclinant les figures cultes de Suzanne et les vieillards, du bain de Diane ou du Gilles de Watteau. Quand il n’allait pas fouiller les méandres de cultures non occidentales, préfigurant ainsi l’intérêt qui allait se développer en direction des arts premiers.
Certes, il n’était pas le seul, adhérant par là même à une forme de peinture que la critique ne tarda pas à qualifier de « cultivée », mais il présentait cette singularité de défendre l’idée d’un certain syncrétisme qui n’hésitait pas par ailleurs à se réclamer des deux Marcel, Duchamp et Broodthaers.
Mêlant citations et autobiographie, réflexions sur la peinture et pensée économico-politique, Jean-Michel Alberola s’est inventé une forme d’engagement artistique sans pour autant céder aux sirènes d’une quelconque idéologie. Bien au contraire, sa démarche est grande ouverte sur le monde, elle ausculte et s’applique à en décrypter les mécanismes, attentive à tout ce qui relève d’une critique sensible et historique.
Conceptuel, son art l’est au sens le plus juste du mot tant il procède d’un bouillonnement quasi intempestif qui entraîne l’artiste à combiner sans cesse images et mots dans une sorte de grand jeu chaotique fait de toutes les associations, ruptures et fragmentations sémantiques possibles.
Tenir la conscience en éveil
Peintures et dessins, sculptures, objets, installations, éditions, l’œuvre de Jean-Michel Alberola s’offre à voir comme un grand tout. Qu’il s’agisse de références à l’histoire de l’art, au commerce des civilisations ou à la guerre et aux camps, celle-ci est exemplaire tant du chaos du monde que de son prodigieux métissage.
Dans le petit film placé en exergue à l’exposition que lui consacre le musée de Saint-Étienne, Jean-Michel Alberola laisse filer le souhait que le visiteur après avoir l’avoir découverte « ait un sentiment politique plus clair. » À une époque où le spectaculaire s’impose comme un mode unique de pensée, elles sont rares les œuvres qui visent à tenir la conscience en éveil.
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Alberola
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°608 du 1 décembre 2008, avec le titre suivant : Alberola