La séquence est courte – à peine quatre secondes – et montée en boucle. Don’t trust me distribue six moniteurs posés au sol comme pour cercler l’une des salles d’exposition du Magasin à Grenoble et du même coup, cercler le spectateur. Chacun montre sommairement l’abattage d’un animal – cheval, bœuf, porc, mouton, faon et bouc – frappé au marteau et suivi dans son ultime affaissement. Le dispositif sert la mise en image de l’horreur et les stratégies qui sont les nôtres pour s’y résoudre ou s’y refuser. Il vient surtout jouer la transgression et prendre le spectateur à partie.
C’est que dans le même temps, l’espace est occupé en son centre par une installation en surrégime : quatre mètres de haut, vingt-sept mètres de long. Telle mère, tel fils se présente comme le tressage de trois cylindres gonflés d’air, terminés en leurs extrémités par trois cockpits et trois queues d’avions. Globalisation et matrice maternelle en un. Le nœud colossal se pose à l’étroit dans l’espace, obligeant le spectateur à en faire le tour sans recul. Coincé par l’installation, coincé par le bruit sourd du marteau frappant les bêtes et par les six scènes d’abattage disposées de manière à ce qu’aucun axe ne nous les épargne.
Ainsi va « Drawing for Human Park » déployant une dizaine de nouvelles productions au Magasin à Grenoble. Ainsi va le travail d’Adel Abdessemed, chouchou du marché, goûtant volontiers l’allégorie efficace et la riposte aux violences idéologiques, économiques et religieuses du monde. Comme en écho à ces enlacements d’avion, deux œuvres réalisées au cours de performances : Also sprach Allah qu’il écrit à la craie noire sur un tapis fixé au plafond alors qu’il est projeté en l’air par un groupe d’hommes et Helikoptere, dessins exécutés sur une planche de bois posée au sol alors que l’artiste est suspendu, la tête en bas, à un filin d’hélicoptère en vol.
Il y a bien les dispensables greffons de références dénouant chaque œuvre – les planches de bois sont au même format que celui du Radeau de la méduse… les animaux sont ceux des signes chinois… – mais Abdessemed semble cette fois essorer ses effets. Bruts et sans trop de manières. Comme en témoigne Messieurs les volontaristes, l’autre titan du parcours, cercueil monumental incarné par des arêtes en épaisses poutres d’acier. Entre citation minimaliste et autoréférence de son fameux Habibi, long squelette humain en lévitation. Vanité à échelle monumentale.
« Adel Abdessemed, Drawing for Human Park », Magasin, Centre national d’art contemporain, 155, cours Berriat, Grenoble (38), www.magasin-cnac.org, jusqu’au 27 avril 2008.
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Adel Abdessemed
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Adel Abdessemed