Les céramiques grecques antiques ont toujours fait l’objet d’un fructueux commerce. Faisant une halte à Cholet, cette exposition des musées de l’Ouest nous donne les clefs d’un tel succès.
Comment la « figure noire » vire au rouge
La peinture sur vase connaît son apogée dans la Grèce ancienne. Vers le VIIe siècle avant J.-C., les artisans corinthiens mettent au point une technique appelée à un grand succès et à de nombreuses imitations : la « figure noire ». Les motifs sont peints à l’aide d’un vernis noir appliqué sur la céramique, les détails étant repris au stylet, par incision. Des rehauts d’argile blanche ou rouge permettent d’apporter des nuances.
Dès le milieu du vie siècle, les ateliers athéniens commencent à concurrencer les productions corinthiennes. Vers 530, ils inventent une technique qui va sonner le glas de la « figure noire », qui disparaît vers 480-470 : la « figure rouge ».
C’est désormais l’ensemble du vase qui est recouvert d’un vernis noir brillant, alors que les figures sont traitées en réserve dans l’argile rouge orangé. Les détails sont repris au pinceau avec une plus grande finesse d’exécution. Diffusée dans tout le bassin méditerranéen, cette technique disparaît à son tour à l’époque hellénistique.
Le vase noir éclipsé par la « figure »
Les Étrusques, très habiles céramistes, n’ont découvert les techniques de peinture sur vase qu’avec l’arrivée des premiers colons grecs dans la péninsule. Auparavant, leur production se limitait à la fabrication de pièces brunes aux décors incisés, appelés impasto.
Entre 675 et 650 avant J.-C., les Étrusques inventent cependant le bucchero nero, une céramique de grande qualité, entièrement noircie dans la masse, avec un lustre qui lui donne l’éclat de la vaisselle métallique, plus coûteuse. Ces vases sont alors exportés dans toute la Méditerranée.
Passés de mode avec l’arrivée des « figures noires » puis des « figures rouges », les vases noirs – désormais vernis – ne réapparaissent dans la céramique italique qu’au iiie siècle avant J.-C. L’éventail des formes s’élargit alors aux assiettes et patènes. Ils seront ensuite remplacés par une céramique tout aussi sobre, la sigillée rouge romaine.
Les tanagras, un succès commercial
Les tanagras – du nom de la localité de Béotie où furent retrouvées des milliers de ces pièces – empruntent beaucoup à la civilisation grecque. Jusqu’en 335 avant J.-C., date de sa destruction par Alexandre le Grand, Thèbes fut en effet le principal centre de production de ces figurines féminines drapées.
Celles-ci sont fabriquées par le coroplathe qui, contrairement aux peintres sur vase, a le statut d’artisan, et non d’artiste. Ce « modeleur de jeunes filles » réalise les figures en terre cuite par moulage, ce qui permet une production en série.
Utilisées pour accompagner le défunt dans sa sépulture, les tanagras changent progressivement d’usage pour devenir de simples bibelots. Exportées jusqu’en Asie Mineure et en Égypte, elles connaissent la faveur des amateurs d’antiquités dès la seconde moitié du XIXe siècle. Ce commerce juteux est à l’origine de la production de nombreux faux.
L’engouement s’accroît au XVIIIe
La « folie antiquaire », qui se développe vers la fin du xviiie siècle et ne se dément pas au cours du siècle suivant, suscite un engouement sans précédent pour les vases grecs, italiques et étrusques. De nombreux amateurs font alors l’acquisition de pièces de plus ou moins bonne qualité dont la provenance précise est souvent difficile à connaître. Leurs dons ou legs ont souvent été à l’origine de la création de départements d’antiquités dans les musées de province.
C’est toutefois l’arrivée des 11 835 objets issus de la collection du marquis Campana, dispersés entre le musée du Louvre et quarante-neuf musées de province, qui a permis d’accroître de manière considérable les collections d’antiquités françaises. En 1861, Napoléon III décide en effet de l’achat aux enchères de cet ensemble constitué par l’ancien directeur du Mont-de-piété de Rome grâce à des détournements de fonds. Cet achat dispendieux et la qualité relative des pièces feront toutefois l’objet d’une sévère campagne de presse.
Copies, faux et « forgeries »
La frénésie qui touche, à la fin du XVIIIe siècle, le marché de la céramique antique a provoqué l’apparition de nombreuses pièces douteuses. Si des copies ont pu être réalisées pour l’éducation des jeunes artistes, dans la pure tradition académique, de nombreux faux ont en revanche été produits dans le but de tromper la clientèle.
La « forgerie » devient par ailleurs une pratique commune à d’habiles « restaurateurs ». Celle-ci consiste en effet à recréer des vases à partir de tessons provenant de différentes pièces, l’ensemble étant homogénéisé et complété par des repeints modernes.
Les amateurs étaient, à cette époque, davantage friands de belles pièces plutôt que de vestiges archéologiques. Toutefois, ces interventions posent aujourd’hui de multiples problèmes – jugés au cas par cas – aux restaurateurs quant à une « dérestauration » éventuelle de ces vases.
Un riche répertoire iconographique
L’imagerie des vases grecs évolue au fil du temps et des usages. Les plus anciens de ces vases sont ainsi ornés de simples décors géométriques ou végétaux, déployés en frises régulières sur la panse des vases. La présence de quelques animaux hybrides dénote une influence orientale.
Les thèmes mythologiques et héroïques, souvent puisés dans les textes homériques, s’imposent dans un second temps. Les banquets dionysiaques ou les travaux d’Héraclès ont ainsi souvent la faveur des peintres. D’autres thèmes, comme les scènes cultuelles (libations, banquets, sacrifices) et guerrières, sont également très courants.
En revanche, contrairement au monde oriental, les animaux sont rarement figurés, hormis en attribut des dieux ou en bêtes sauvages destinées à mesurer la force des héros. Les femmes sont également plus rares. Leur présence se limite à quelques scènes de la vie quotidienne (cueillette, toilette) ou aux funérailles (préparation du corps du défunt).
Des vases pour tous les usages
Si les vases grecs sont les principales sources de l’archéologie et de l’art grec antique, c’est que leurs nombreux usages ont permis la création d’un important répertoire de formes. À chaque activité de la vie quotidienne (alimentation, toilette, transport, conservation des produits agricoles), mais aussi à chaque rite cultuel ou social (amphores panathénaïques pour les vainqueurs des jeux) correspond ainsi une typologie spécifique de vase. Certaines pièces ont par ailleurs une fonction prophylactique.
Les vases destinés au rituel du banquet et plus précisément du vin font partie des objets les plus courants : grands cratères ou stamnos pour diluer les vins épais et épicés dans de l’eau, cruches pour le service (œnochoé), vases à boire (skyphos, calices, canthares), etc. Alabastres, aryballes, lécythes et pyxides sont quant à eux réservés à la toilette.
Informations pratiques « Vases en voyage, de la Grèce à l’Étrurie » se poursuit jusqu’au 17 décembre au musée d’Art et d’Histoire de Cholet. Ouvert le mercredi, samedi et dimanche de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h et, le jeudi et le vendredi en après-midi seulement. Tarif unique de 3,40 €, gratuit pour les étudiants et tout public chaque samedi. Musée d’Art et d’Histoire de Cholet, 27, avenue de l’Abreuvoir, Cholet (49), tél. 02 41 49 29 00, www.ville-cholet.fr
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7 clefs pour comprendre les vases grecs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : 7 clefs pour comprendre les vases grecs