Organisée grâce à des prêts provenant en majorité de la cathédrale de Liège, l’exposition de Beaune restitue l’image des fastes des Trésors d’églises depuis le Moyen Âge.
Des reliquaires rareset très convoités
Parmi les pièces les plus insignes se trouvent les objets destinés à servir de réceptacle pour les restes précieux des saints et martyrs. Apparu dès les débuts du christianisme, le culte des reliques connaît un véritable engouement vers l’an mil et devient l’objet d’un commerce, voire d’un trafic fructueux. La présence de reliques assure en effet la renommée du lieu de culte auprès des pèlerins, d’où ces commandes dispendieuses pour leur mise en valeur. Se multiplient ainsi les châsses mais aussi les contenants prenant parfois la forme du contenu : pieds, chefs, bustes, mains voire couronnes reliquaires lorsqu’il s’agit d’un fragment de la couronne d’épines du Christ.
D’autres pièces sont le support d’une iconographie politique, comme le Reliquaire de Charles le Téméraire (vers 1467) qui figure le duc de Bourgogne tenant les reliques de l’évêque liégeois saint Lambert. Est-ce le symbole d’une expiation après le sac de Liège ou, au contraire, d’une prise de pouvoir sans partage malgré les velléités d’indépendance des bourgeois liégeois ?
Objets liturgiques et ostentatoires
Calices, patènes, ciboires, ostensoirs, coupes, burettes, autels portatifs, chandeliers, croix, mais aussi chasse-mouches, peignes ou chaufferettes... Une très grande partie des pièces constituant les trésors d’églises est destinée à la liturgie, qu’il s’agisse d’objets pour le service ou d’ornements liés à la célébration. Certaines d’entre elles sont encore utilisées aujourd’hui, malgré leur préciosité. Le goût des prélats pour les arts précieux et l’orfèvrerie a souvent stimulé l’activité des ateliers excellant dans les techniques de l’émaillerie, du nielle (incrustation sur métal) ou du filigrane (travail de fils de métal), faisant du trésor le témoin des évolutions artistiques.
Avec la Contre-Réforme, la tendance à l’ostentation s’accentue alors que l’église catholique se veut conquérante face au développement du protestantisme. Au XIXe siècle, la passion pour les formes historicistes engendre un nouvel élan de productions orfévrées inspirées des formes du passé, mais mettant en œuvre des techniques modernes.
Naturalia et curiosa
Dès le Moyen Âge, la fascination pour les pierres précieuses stimule la recherche de matériaux rares. L’engouement pour le cristal de roche, un minéral transparent comme le verre, est tel que les orfèvres n’hésitent pas à se procurer des pièces anciennes qu’ils transforment en objets religieux. En témoignent ces petites figurines d’animaux d’origine fatimide (IX-XIe siècle), donc musulmane, transformées au xve siècle en reliquaires chrétiens par un atelier portugais.
Dès la Renaissance, un goût pour les objets rares ou exotiques, naturalia et curiosa, s’immisce dans la constitution des trésors. Il n’est pas rare d’y découvrir des œufs d’autruche ou des cornes montées en coupe ou en reliquaires. Le trésor tend alors à s’apparenter à un cabinet de curiosités d’humaniste. Cette tendance est réaffirmée au xixe siècle lorsque certains trésors sont présentés dans le cadre d’une muséographie qui les apparente encore davantage au musée.
Insignes d’un pouvoir temporel
Même si la notion de sacré reste primordiale, certaines pièces conservées sont des symboles et attributs de pouvoir. Ainsi des crosses d’évêques ou d’abbés, croix pectorales, sceaux, anneaux ou couronnes.
À Liège, l’évêque étant aussi le prince, le trésor s’est enrichi des collections et des instruments du pouvoir temporel. Dans le cas de l’abbaye de Saint-Denis, à côté de Paris, une confusion s’est opérée au fil du temps, entre le trésor de l’établissement religieux et les symboles de la royauté dont elle était également dépositrice : les regalia, vêtements et objets du sacre.
Saint Louis (roi de France de 1226 à 1270, mort devant Tunis), illustre par ailleurs le cas du roi qui se constitue son propre trésor de reliques. Acquise à prix d’or auprès de l’empereur de Constantinople, la couronne d’épines aura un reliquaire à sa mesure. Ce sera la Sainte-Chapelle de Paris, magistrale châsse d’architecture aux parois de vitrail, dont la construction a coûté trois fois moins cher que l’acquisition de cet instrument de la Passion.
Images pieuses destinées aux fidèles
Peintures sur panneaux ou manuscrits et sculptures sont aussi représentés dans les trésors d’églises. Des figures de vierges à l’enfant sont placées dans les chœurs d’églises et suscitent
parfois le développement d’un culte proche de celui des reliques.
Si certains panneaux sur bois ont été adjoints par donations, d’autres sont au contraire commandés comme support d’un discours destiné aux fidèles.
À partir de la Contre-Réforme catholique, la révision du dogme insiste sur la nécessité de produire des images claires voire didactiques. Elles doivent illustrer les Sept Sacrements ou la vie des saints. Le panneau sur bois de la Messe de Saint-Grégoire (vers 1500) figurant la transsubstantiation du Christ (c’est-à-dire la conversion du pain et du vin de messe en corps et sang du Christ) en est un parfait exemple.
Toutefois, dès le XVIIe siècle, certains écclésiastiques amateurs d’art enrichissent les trésors de tableaux de collection. Ils recherchent ainsi plutôt la délectation que la diffusion d’une pédagogie religieuse.
Soieries, vêtements et textiles précieux
À l’occasion des messes, processions ou bénédictions, les ecclésiastiques arborent leurs plus beaux vêtements. La matière de prédilection est la soie, longtemps importée d’Orient puis d’Italie, avant le développement des soieries lyonnaises au xviie siècle. Dérivées des formes de vêtements romains,
ces pièces se déclinent en chapes, chasubles, dalmatiques (aux larges manches), étoles... Certaines d’entre elles sont aussi devenues des reliques, dites « de contact », pour avoir été portées par des saints.
Autres pièces textiles précieuses : les suaires, destinés à la conservation des corps saints. Là encore, le remploi de pièces rares d’origine islamique est courant, comme en témoigne le suaire de saint Lambert. Pour l’ornement des chœurs liturgiques, étaient souvent réalisés des ensembles de tapisseries, comme cette tenture de la vie de la Vierge, commandée vers 1500 pour la collégiale de Beaune, qui demeure l’un des rares exemples conservés in situ.
Une fonction de réserve monétaire
S’il est constitué d’une accumulation de pièces d’orfèvrerie d’une richesse parfois inouïe, c’est aussi parce que le trésor fait office de réserve monétaire. En cas de crise, certaines pièces en or ou argent sont fondues et leurs joyaux négociés pour alimenter les caisses de la communauté religieuse. La contrepartie est aussi d’assurer la protection de cet ensemble qui attire la convoitise, d’où la création de chambres du trésor dont les clefs deviennent parfois à leur tour des objets précieux, comme cette clef de saint Hubert contenant les restes de la limaille des chaînes de saint Pierre.
Le mouvement d’enrichissement est aussi stimulé par la générosité des pèlerins, en quête de salut éternel. Objets d’art, peintures, mais aussi dons en numéraire sont fréquents, les pièces récoltées étant transformées en lingots d’or, soigneusement capitalisés. Nombreux furent ainsi les trésors à être envoyés à la fonte pendant la Révolution pour financer l’effort de guerre.
Informations pratiques L’exposition « Les Trésors des cathédrales d’Europe : Liège à Beaune » met à l’honneur 250 pièces du trésor de Liège, présentées pour la première fois en France. Elle a lieu dans trois sites distincts jusqu’au 19 mars, tous les jours au musée des Beaux-Arts de 9 h 30 à 18 h ; à l’Hôtel-Dieu à 9 h 30 à 18 h 30 ; à la collégiale de 9 h 30-12 h 30 et 14 h-17 h. Tarifs : 9,50 ; 6,50 et 4 €. Le billet d’entrée donne accès aux 3 sites de l’exposition. Musée des Beaux-Arts, porte Marie de Bourgogne, 6 bd Perpreuil, Beaune (21), tél. 03 80 24 98 70. Hôtel-Dieu, hospices de Beaune, rue de l’Hôtel-Dieu tél. 03 80 24 45 00. Collégiale Notre-Dame, place du Général Leclerc. www.beaune.fr
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7 clefs pour comprendre les Trésors d’église
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°577 du 1 février 2006, avec le titre suivant : 7 clefs pour comprendre les Trésors d’église