METZ
À Metz, foyer actif de la Réforme en France, le Temple neuf revient sur l’histoire agitée des huguenots, ces protestants calvinistes qui ont fui la France à la suite de la révocation de l’édit de Nantes.
La Réforme gagne l’Europe
Entérinée en 1517 par la publication des thèses de Luther (1483-1546), la Réforme est le plus important des schismes qu’ait subi la chrétienté. Sa diffusion est rapidement favorisée par l’imprimerie alors que le contexte politique de l’Europe de l’Est et la résistance des princes allemands au Saint Empire romain germanique constituent un terreau fertile à l’implantation des idées des réformés.
Dénonçant les compromissions de l’Église dans le siècle, les réformés proposent une révision du dogme. La foi n’est plus transmise par l’autorité et l’enseignement de l’Église, mais reçue dans l’intimité de la conscience : c’est la doctrine du salut par la foi seule de Luther.
Le culte est simplifié, la messe réduite tout comme le nombre des sacrements, dont la valeur n’est plus que symbolique. Les vœux monastiques et le célibat des prêtres sont supprimés, alors que le culte des saints, des reliques ou des images est proscrit et assimilé à de la superstition.
Les catholiques contre-attaquent
Après des années d’atermoiements, l’Église catholique organise la riposte, c’est la Contre-Réforme. Tenu en plusieurs sessions de 1545 à 1563, le Concile de Trente (ville épiscopale faisant alors partie de l’empire de Charles Quint) réaffirme de nombreux aspects du dogme remis en cause par les protestants. Ses textes ont été publiés en 1577 par l’archevêque de Milan, Charles Borromée (1538-1584).
Les pratiques du culte sont ainsi consolidées, notamment les sept sacrements, mais aussi le culte de la Vierge et des saints alors que les décrets disciplinaires sont confirmés (célibat des prêtres, résidence des évêques dans leur diocèse, interdiction du cumul des évêchés…).
Enfin, le canon des écritures est fixé. L’une des conséquences immédiates de la Contre-Réforme est aussi la création de nombreux ordres ecclésiastiques catholiques (l’Oratoire, les Visitandines, la Compagnie de Jésus…), investis d’une mission de propagation de la foi.
Luthériens et calvinistes
En 1517, Luther placarde ses quatre-vingt-quinze thèses sur les portes du château de Wittenberg, marquant le début de la Réforme. Affirmant l’autorité de la seule écriture sainte, il est excommunié et trouve protection auprès de Frédéric le Sage, électeur de Saxe. Alors que l’église luthérienne s’organise, des dissensions apparaissent avec d’autres réformateurs, tels Zwingli et Œcolampade, notamment sur la question de l’Eucharistie.
Suivant la Confession d’Augsbourg, rédigée en 1530 par Mélanchton, la doctrine de l’église luthérienne est fixée dans Le Livre de Concorde (1577). Le mouvement s’implante en Allemagne du Nord et du Centre. Les principes religieux calvinistes sont, eux, exposés par Jean Calvin (1509-1564) et insistent sur la doctrine de la prédestination et de la grâce. Ils se diffusent en Suisse, en France, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Écosse.
Les huguenots s’exilent à Berlin
Dès le XVIe siècle, le terme d’huguenot – apparu initialement à Genève en 1520-1525 – désigne les calvinistes français. La révocation de l’édit de Nantes, en 1685, par l’édit de Fontainebleau interdit la pratique du culte réformé.
Près de 200 000 huguenots fuient alors la France vers l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Angleterre. Les protestants messins privilégient Berlin et le Brandebourg, où le Grand Électeur, Frédéric Guillaume Ier promulgue l’édit de Potsdam, qui facilite leur accueil.
Les Huguenots y bénéficient d’une immunité fiscale et peuvent obtenir leur naturalisation sans avoir fait preuve de leur intégration, dispositions qui ont favorisé un certain repli communautaire.
À la fin du XVIIe siècle, le quart de la population berlinoise est huguenot. Cette implantation influence la culture locale, comme en témoigne le succès de l’orfèvrerie lorraine en Allemagne, ou encore la construction du Dôme français (1705), inspiré du plus célèbre des temples parisiens (temple de Charenton, détruit dès la révocation de l’édit de Nantes).
L’iconographie protestante privilégie le réalisme et le didactisme
La Réforme n’est pas sans conséquences sur les productions artistiques. Dès la fin des années 1520, un art luthérien prend ainsi forme. Celui-ci est essentiellement didactique : il illustre les cycles bibliques, les portraits des héros de la cause protestante, les thèmes antithétiques (opposition entre l’Ancien Testament, règne de la Loi, qui conduit l’homme à la mort, et le Nouveau Testament, règne de la Grâce, où le Christ triomphe de la mort).
Le culte de la Vierge et des saints étant proscrit, les images de dévotion sont interdites, au profit des genres du portrait et de la nature morte, qui s’inscrivent durablement dans la tradition picturale protestante.
Plusieurs crises iconoclastes – dont les plus aiguës sont dues aux calvinistes – aboutissent toutefois à de nombreuses destructions d’œuvres catholiques. Après l’interdiction du protestantisme en France, apparaissent par ailleurs de nouveaux objets de culte (pièces de petite taille facilement démontables) qui permettent une pratique clandestine.
Édits de Nantes et de Fontainebleau
De nombreux tableaux et témoignages illustrent les guerres de religion du XVIe siècle, qui débutent peu après la mort d’Henri II, en 1559. Malgré la reconnaissance officielle du protestantisme en janvier 1562, les tensions se cristallisent. Le règne des fils de Catherine de Médicis est ainsi marqué par une succession d’épisodes sanglants, dont l’acmé est le massacre de la Saint-Barthélemy (1572). Seul Henri IV parvient à imposer la tolérance grâce à l’édit de Nantes (1598).
Les heurts sont toutefois ravivés dès 1661, date du début du règne personnel de Louis XIV. Les militants de la cause catholique s’adonnent ainsi aux conversions forcées ou soutiennent les dragonnades : des soldats pillards, à qui tous les moyens sont autorisés sauf le meurtre, sont hébergés de force chez des protestants jusqu’à ce que ces derniers se convertissent. De nombreux registres d’abjuration témoignent de ces persécutions, avant même la promulgation de l’édit de Fontainebleau (1685), qui révoque l’édit de Nantes.
Metz, une histoire mouvementée
Au xvie siècle, Metz et le pays messin sont l’objet d’une rivalité entre la France et le Saint Empire romain germanique. Rapidement, dès 1519, la Réforme s’y implante durablement. La victoire des troupes françaises, sans annexion – elle n’interviendra qu’en 1633 –, ne met pas fin à la pratique du culte protestant jusqu’à son interdiction temporaire, en 1569.
L’édit de tolérance (1598) permet ensuite au culte réformé d’y prospérer durant une partie du XVIIe siècle, malgré l’installation des jésuites. Deux pasteurs, Paul Ferry, qui échangea une correspondance avec Bossuet, puis David Ancillon, illustrent le rayonnement de l’Église réformée messine. D’abord épargnée par le regain de tensions, la ville est ensuite le théâtre d’affrontements sanglants. Soixante-dix pour cent de la population protestante quitte la ville après la révocation de l’édit de Nantes.
Comme dans tout le royaume, la liberté de culte n’est rétablie qu’en 1791.
Informations pratiques « Huguenots. De la Moselle à Berlin, les chemins de l’exil » jusqu’au 10 mars 2007. Temple Neuf, place de la Comédie, Metz. Ouvert le lundi de 14 h à 18 h, du mardi au jeudi de 10 h à 18 h, le vendredi de 10 h à 20 h et le week-end de 10 h à 19 h. Tarifs : 6,50 et 5 €. Tél. 03 87 37 83 06, www.expo-moselle.com
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7 clefs pour comprendre les huguenots
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : 7 clefs pour comprendre les huguenots