Au Musée de l’homme, l’exposition « Arts et Préhistoire » donne à voir la diversité de formes et d’expressions de l’art préhistorique. L’occasion de découvrir cet art encore méconnu du plus grand nombre. Attention, chefs-d’œuvre…
Un œil, un nez, une bouche légèrement ouverte, un cou, une oreille, une joue portant d’étranges motifs géométriques… Quelques traits suffisent pour graver avec délicatesse dans la pierre un profil humain. Ce portrait gravé sur plaquette, découvert en 1937 au fond de la grotte de La Marche, en Nouvelle-Aquitaine, est d’autant plus remarquable que les représentations humaines dans l’art préhistorique qui nous sont parvenues sont bien plus rares que les figurations animales ou les signes géométriques. Il témoigne, aussi, de la préciosité de cet art mobilier qui s’est développé dans le Paléolithique supérieur, à partir de 40 000 ou 35 000 ans avant notre ère. « En Europe, il connaît surtout un essor important à l’époque magdalénienne, autour de 20 000 ans », précise Marie Merlin, commissaire de l’exposition « Arts et Préhistoire » au Musée de l’homme. Ce visage, dont on ne sait s’il est celui d’un homme ou d’une femme, témoigne du mystère qui entoure les artistes de la préhistoire : étaient-ils des hommes, des femmes ? Quel était le sens de leurs représentations ? Malgré les hypothèses des chercheurs, l’énigme demeure.
Dans leurs sculptures, les artistes du Paléolithique représentent généralement des figures féminines ou des animaux, auxquels s’ajoutent quelques figures anthropomorphes masculines, à mi-chemin entre l’homme et l’animal. On retrouve les « Vénus », sculptures féminines datées entre 40 000 et 15 000 avant notre ère, sur l’ensemble du continent européen. S’agit-il de symboles de féminité, d’amulettes de fécondité ? On l’ignore. Sculptée sur toutes ses faces dans de l’ivoire de mammouth, cette Vénus découverte dans la grotte des Rideaux, à Lespugue, en Haute-Garonne en 1922, est l’une des plus célèbres de l’art paléolithique. « De dos, les stries gravées sous ses fesses ont pu faire penser à un pagne, lequel, la statuette retournée, deviendrait chevelure... », décrit Marie Merlin. Sa structure en losange, la rondeur de ses seins, de son ventre, de sa taille, de ses fesses, sont caractéristiques de la culture gravettienne, datée d’environ 35 000 à 22 000 avant notre ère, qui s’est diffusée du Sud-Ouest de la France jusque dans les plaines de l’Oural, en Russie. La silhouette des Vénus de la période qui lui succède, le Magdalénien, dernière période du Paléolithique supérieur, est quant à elle longiligne et schématique.
Les animaux, côtoyés par les hommes au quotidien mais aussi présents dans leur univers symbolique, viennent galoper, combattre, mourir sur les parois des grottes ornées comme ils peuvent surgir d’un os sculpté, d’un bois de renne, d’une pièce d’ivoire ou d’un élément minéral, grès, calcaire ou schiste. Collectés dans l’environnement immédiat ou parfois transportés sur de longues distances, lorsqu’ils sont trouvés dans des alluvions de rivières ou échangés entre les populations, ces matériaux étaient choisis en fonction de leur nature et de leur forme, qui déterminent le sujet représenté. Ce profil de cheval en témoigne. Il a en effet été sculpté dans un os hyoïde, qui se trouve derrière la langue du cheval. Choisi pour sa provenance en même temps que pour sa forme évocatrice du profil de l’animal, cet élément a été finement gravé par l’artiste afin de suggérer les détails du pelage et des yeux.
Si les grottes européennes sont majoritairement ornées de chevaux, félins ou cervidés, le bestiaire de l’art paléolithique varie en fonction du contexte environnemental, climatique et culturel de la région du monde dans laquelle il surgit. Ainsi, dans la grotte Cosquer, sur le littoral méditerranéen, on observe des pingouins, tandis qu’au Brésil, des tapirs ou des crabes – comme celui-ci ! – ornent des parois. En Afrique, on trouve des autruches, au Chili et en Corée du Sud, des baleines ! Et les poissons, peu fréquents dans l’Europe paléolithique, nagent en nombre sur les parois des grottes chinoises et australiennes sous la forme de baramundis multicolores…
Dessinés au charbon, gravés dans la roche, tracés au doigt dans l’argile ou peints à l’ocre, les chevaux des grottes ornées témoignent de la dextérité, de la finesse d’observation aussi bien que de la liberté des artistes, qui soufflent des pigments avec la bouche ou une sarbacane pour rendre le velouté d’un pelage ou soulignent un contour par une gravure ou un intense trait noir… Or, les différentes manières de figurer la crinière ou encore les jambes de ces chevaux indiquent l’existence de styles ou d’écoles artistiques, qui permettent de rattacher une représentation à une époque, un site ou une culture particulière. Regardez par exemple ce cheval de la grotte de Lascaux : au niveau du poitrail, un vide triangulaire semble écarter légèrement la jambe la plus éloignée du spectateur. Ce procédé graphique qui crée un effet de perspective et donne du volume à l’animal se généralise au Magdalénien, il y a environ 20 000 ans, un peu partout en Europe ! Sans doute cette diffusion importante témoigne-t-elle d’une normalisation et d’une complexification des sociétés
Les mains constituent un motif récurrent dans les parois des grottes ornées de la préhistoire, depuis les premières représentations connues et bien au-delà de l’Europe : on les trouve ainsi dans les sites de Sulawesi, en Indonésie, datées de plus de 45 000 ans ! Les mains sont appliquées sur les parois selon différentes techniques. On appelle « mains négatives » celles qui sont réalisées selon la technique du pochoir ou du « crachis » – comme celles-ci, qui ornent une grotte en Argentine surnommée la Cueva de las manos, « la Grotte des mains ». Les mains « positives », plus rares, résultent quant à elles de l’application sur la paroi d’une main enduite de colorant. « La main constitue une trace, celle d’un passage ou d’une appropriation, et, en même temps, une partie du corps en principe asexuée », relèvent Patrick Paillet et Éric Robert dans le catalogue de l’exposition « Arts et Préhistoire », dont ils sont commissaires scientifiques.
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6 clés pour comprendre l’art préhistorique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°762 du 1 mars 2023, avec le titre suivant : Comprendre l’art préhistorique