Après Lyon, Lille, Grenoble et Strasbourg, Nancy profite à son tour de la grande vague de rénovation des musées de province. Le vieux Musée des Beaux-Arts – l’un des quinze « Louvre de province » institués par Bonaparte en 1801 – a fait peau neuve. Après trois années de fermeture, il rouvre ses portes et convie ses visiteurs dans un espace rénové, agrandi – sa surface passe de 4 500 à 9 000 m2 – et doté d’un équipement muséal moderne avec deux salles d’exposition temporaire et un auditorium. Né sur fond de polémique financière et architecturale, ce vaste projet de rénovation a dû affronter les foudres de nombreux détracteurs. La collection méritait-elle les 103 MF nécessaires à son redéploiement ? Non, répondent les opposants au projet, tel Bernard Ponton, historien de l’art et ancien conservateur du musée, pour qui la collection ne renferme que des œuvres de second rang. « Certes, nous ne sommes ni Lille, ni Lyon » concède Béatrice Salmon, la conservatrice du musée, mais un musée de « bon niveau » offrant aux visiteurs l’occasion d’une promenade originale à travers cinq siècles d’art européen, émaillée de quelques pièces remarquables : une Vierge à l’Enfant, traditionnellement reconnue comme « le plus beau Pérugin de France », une Annonciation du Caravage, une immense Transfiguration de Rubens, L’Ivresse de Silène de Carle van Loo, L’Automne de Manet... Un dépôt de vingt-et-une œuvres du Musée national d’Art moderne est par ailleurs venu renforcer ce fonds en l’ouvrant à des problématiques nouvelles. Sans verser dans le chauvinisme régional, la nouvelle présentation fait également la part belle à quelques artistes du « cru » : Jacques Callot, bien sûr, mais aussi les peintres lorrains contemporains de l’École de Nancy : Julien Bastien-Lepage, Victor Prouvé, Émile Friant... Passée la polémique esthético-financière, c’est une polémique architecturale qui a marqué l’avènement douloureux du nouveau musée. Doté d’une adresse prestigieuse – la place Stanislas – le musée occupe un site sensible, inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco. Pour certains, l’intégration d’un bâtiment de facture contemporaine dans ce périmètre classé constitue une hérésie. « La place est défigurée par ce gros morceau de sucre » s’indignent certains Nancéiens. Des jugements à l’emporte-pièce qui ne reflètent guère la réalité. En retrait par rapport à l’ensemble XVIIIe et d’une volumétrie beaucoup plus basse, la nouvelle aile de Laurent Beaudoin – l’architecte du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, également en charge de la rénovation du musée du Havre – joue les discrètes. L’option retenue est celle d’un bâtiment neutre : un mur de pierre aveugle soulevé par un rez-de-chaussée en verre, sur le thème d’un dialogue entre gravité et transparence. Derrière cette façade minimaliste se cache une spatialité intérieure complexe, avec des traitements variés selon les périodes. Au rez-de-chaussée, les collections XIXe et XXe
se déploient sur un vaste espace lumineux, en plan libre, où sont ménagés des jeux de perspectives suscitant d’intéressantes confrontations entre les œuvres – où l’on voit par exemple les peintures de Gris, de Gleizes dialoguer au loin avec des sculptures post-cubistes. À l’étage, pour l’art ancien, on retrouve une volumétrie plus classique de salles, parquet de chêne au sol et cimaises colorées aux teintes audacieuses. On regrettera l’incohérence du parcours, induite par la volonté de présenter la collection XVIIIe dans le pavillon d’Emmanuel Héré : le visiteur découvre les ensembles XIXe et XXe avant d’entamer un flash back forcé jusqu’aux Primitifs italiens, pour finalement remonter le temps jusqu’au Siècle des Lumières. Il peut toutefois choisir de descendre au sous-sol afin de découvrir les métamorphoses des productions de la célèbre manufacture Daum de 1880 à 1980. Le parti pris est ici résolument théâtral : quatre cents verreries lumineuses « flottent » dans l’obscurité. Avec, en décor de fond de cette mise en scène métaphorique de la magie chimique du verre, les imposants vestiges du bastion d’Haussonville, découverts durant les travaux et conservés in situ. L’ensemble constitue un avant-goût prometteur des prochaines manifestations commémoratives du centenaire de l’École de Nancy, qui devraient profiter de la dynamique initiée par la réouverture du musée.
NANCY, Musée des Beaux-Arts, réouverture le 6 février.
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1999, une année nancéienne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°503 du 1 février 1999, avec le titre suivant : 1999, une année nancéienne