Conçue par Olivier Kaeppelin, « Inhabiting World », l’exposition principale de la Biennale de Busan, met en relief les artistes français dans un parcours de belle qualité.
BUSAN - On ne pourra pas, ou plus, dire que les artistes français, ou vivant en France, ne s’exportent pas à l’étranger. Ils sont en effet 23 sur un total de 82 à exposer à la Biennale de Busan en Corée du Sud. Soit presque un tiers, tout du moins pour ce qui concerne l’exposition principale, puisque la manifestation dans son ensemble se tient sur trois lieux. Il faut dire que le directeur artistique de cette 8e édition n’est autre qu’Olivier Kaeppelin, par ailleurs directeur de la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. L’ancien « responsable des projets » du Palais de Tokyo a donc mis le paquet, comme les commissaires étrangers le font souvent, et à juste titre, avec les artistes de leur propre pays.
Kaeppelin est aussi fidèle à ses engagements puisque l’on retrouve ici les artistes dont il suit et aime le travail depuis longtemps, parmi lesquels Damien Cabanes, Philippe Cognée, Fabrice Hyber, Bernard Moninot, Djamel Tatah… qu’il a d’ailleurs, pour certains d’entre eux, déjà exposés à la Fondation Maeght. « Ma position est simple : je ne choisis pas les artistes sur des catalogues. Donc il faut que je connaisse l’œuvre, que j’y ai réfléchi profondément pour pouvoir faire une sélection sérieuse, explique-t-il. Le travers de l’internationalisation de l’art est de choisir des œuvres dont on connaît en fait peu de chose. J’ai moi toujours pris le parti de l’honnêteté du regard. »
Exposition classique
C’est Fabrice Hyber, avec une belle et grande installation composée d’une centaine de bassines de toutes les couleurs posées au sol, qui ouvre véritablement le parcours de cette bien nommée « Main exhibition » (Exposition principale) de la biennale. Intitulée « Inhabiting the world » (Habitant le monde), elle est présentée au Busan Museum of Art à l’architecture imposante, rigide, soviétique. Le parcours rigoureux, très construit, guide le spectateur au travers d’une dizaine de salles aux dimensions imposantes, réparties de chaque côté d’un hall vaste et froid, et ce sur deux immenses étages quasiment identiques.
Sept chapitres rythment la visite, « Movement », « The Cosmos and The Sky », « Architecture and Object’s Mobility » « Identities Represented », « Animal’s Dialogue », « The History, the War » et « Nature as Witness ».
L’on comprend qu’Olivier Kaeppelin n’a pu (question de temps ou de moyens) ni voulu faire une biennale dans un genre habituel : « Je n’avais aucune envie d’en ajouter une de plus aux quelque 160 qui existent déjà. » L’ensemble se regarde alors différemment et s’apprécie pour ce qu’il est : une exposition classique, de belle qualité. Et en effet, ce qui frappe d’une section à l’autre, c’est la façon dont les œuvres se répondent : ainsi, dans la première, celles de Peter Soriano, Lee Bae, Jonathan Lasker ; dans la seconde, celles de Kimsooja, Anish Kapoor, Vik Muniz. D’autre part, la qualité même des pièces retenues est à relever, à l’exemple des vingt et un panneaux de Djamel Tatah sur la figure humaine, accrochés dans un espace fermé au centre d’une salle ; ou, dans cette même section, de la splendide vidéo d’Alain Fleischer Les Hommes dans les draps. Des œuvres prêtées principalement par les galeries et collections privées, notamment celles de Bernard Massini et de J. C. Mairet. Autrement dit des réalisations déjà existantes, bien connues du commissaire.
« Le temps long »
Quelques rares installations ont toutefois été réalisées pour l’occasion, comme ce magnifique espace ouaté dans des tonalités vertes avec des objets en suspension de Kyung Woo Han. « Je ne crois pas que l’art doit se soumettre à la tyrannie du nouveau, du nouveau produit. On confond aujourd’hui art et circulation des objets d’art », souligne le commissaire.
Le format « biennale », on le retrouve quand même au Busan Cultural Center où sont présentés une quarantaine d’artistes coréens qui exposent depuis cinquante ans dans les biennales internationales. Et surtout au Centre Kiswire, l’ancienne Sooyoung Factory où Olivier Kaeppelin a travaillé avec quatre commissaires asiatiques (une Chinoise, un Japonais, un Coréen et un Singapourien) pour montrer des artistes asiatiques en milieu de carrière. Il n’empêche, cette édition de Busan est avant tout une question ouvertement posée au concept même de « biennale ». « Je n’avais aucune envie de faire un assemblage d’élégances. J’ai voulu insister sur le sens, le temps long que l’on passe devant une œuvre. Est-ce qu’on peut continuer à leur consacrer entre 5 et 10 secondes en les entrevoyant à toute allure ? », interroge Kaeppelin.
Nombre d’artistes : 167, représentant 34 pays
Nombre d’œuvres : 490
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Une biennale habitée
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 novembre, Busan Museum of Art, Busan Cultural Center et Centre Kiswire, Busan, Corée du Sud, tél. tlj 10h-20h, www.busanbiennale.org/main
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Une biennale habitée