Réduire la « fracture digitale » qui sépare les pays riches des pays pauvres, tel a été en substance l’idée de l’informaticien Nicholas Negroponte, cofondateur du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology (États-Unis), lorsqu’il lança, il y a pile deux ans, au Forum économique mondial de Davos (Suisse), son projet humanitaire baptisé « One Laptop per Child (OLPC) » [« un ordinateur portable par enfant »]. Objectif : « développer un ordinateur portable suffisamment abordable pour permettre aux enfants des pays en voie de développement d’accéder à la connaissance et aux méthodes modernes d’éducation ».
Après une première série de prototypes, c’est finalement le designer suisse Yves Béhar, né en 1967 à Lausanne, mais installé à San Francisco où il a fondé l’agence Fuseproject en 1999, qui a été choisi pour dessiner la version définitive de cet engin miracle baptisé XO. Béhar n’évoluait certes pas en terrain inconnu. Aussitôt après ses études à l’Art Center College of Design, en Suisse, l’Helvète s’était installé outre-Atlantique pour œuvrer au sein de plusieurs agences liées à l’informatique, telles Silicon Graphics, Frog Design et… Apple. « Le brief, explique le designer, était de créer un ordinateur qui contribue à l’éducation du plus grand nombre. Ce but ne pouvait être atteint qu’à la seule condition que le design du XO soit immédiatement adopté par les enfants eux-mêmes ». Pari gagné car, de prime abord, avec sa coque en plastique blanche et vert pomme et ses deux antennes en forme d’oreilles de lapin, on dirait un jouet. Il est petit – 24,5 x 23 x 3 cm – et léger : 1,5 kg. Mais la comparaison avec un jouet s’arrête là, car le XO est en fait équipé des dernières technologies, preuve que low cost n’est pas forcément synonyme de bas de gamme. En vrac : une connexion sans fil à haute vitesse, une webcam, des prises USB ou encore une batterie rechargeable manuellement – on tire sur un fil comme avec un yo-yo. Le boudin en caoutchouc moulé qui ceinture la machine le protège des chocs, des éléments et de la poussière. Et sa consommation en énergie s’annonce modérée : « de 5 à 10 fois moins qu’un ordinateur portable standard ». Mais l’avancée la plus spectaculaire reste indubitablement son écran de 7,5 pouces. Outre qu’il est pivotant, il offre deux modes : l’un couleur, l’autre noir et blanc à haute résolution, ce qui permet la lecture en extérieur, même en plein soleil. Un exploit !
« Le PC à 100 dollars »
En 2005, l’objet avait aussitôt été baptisé « le PC à 100 dollars ». Son prix est en réalité aujourd’hui plus proche du double – fin 2007, il était évalué à quelque 188 dollars l’unité –, mais les initiateurs assurent vouloir rapidement s’approcher de la barre fatidique des 100 dollars. Les ordinateurs seront vendus directement aux gouvernements. Des « discussions initiales » ont déjà été tenues avec la Chine, l’Inde, l’Argentine, l’Égypte, le Niger ou la Thaïlande. En octobre dernier, l’Uruguay en a commandé 100 000 pièces. Le Pérou a suivi. En novembre, la production en série du XO a débuté chez le plus grand manufacturier de « laptop » au monde, Quanta Computer Inc. (Taïwan). Et fin 2007 devait être livrée la première fournée de cinq millions de pièces. D’abord virulentes contre cette initiative caritative, de grandes firmes informatiques y ont depuis flairé le filon. Microsoft et Dell planchent sur un portable à bas prix. Le fabricant de microprocesseurs Intel, lui, a dévoilé le « Classmate PC » (200 dollars) et le Taïwainais Asus son « Eee PC » (400 dollars). Selon une estimation du cabinet d’études américain Gartner, un million de PC portables à très bas prix destinés au « segment éducation » devraient être livrés en 2008. Ce chiffre pourrait atteindre les six millions fin 2012. Deux questions : l’ordinateur portable low cost serait-il devenu la nouvelle niche informatique ? Pourquoi l’humanitaire finit-il inexorablement par se faire rattraper par le marché ?
Informations : www.laptop.org
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Un beau jouet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Un beau jouet