Sur le marché de la photographie
en général et à Paris Photo en particulier, les femmes restent loin derrière les hommes en termes de représentativité et de cote.
Paris Photo 2011-2014 version Julien Frydman ou Paris Photo 2015 version Florence Bourgeois et Christoph Wiesner, la création photographique demeure largement une histoire d’hommes. Près des trois quarts des photographes ou artistes exposés le sont. Christoph Wiesner, directeur artistique de la foire le reconnaît : « Les propositions qui émanent des galeristes lors de leur candidature réservent une large place aux photographes hommes. » Et les ajustements menés après sélection des dossiers par les organisateurs de la foire viennent à peine corriger le déséquilibre. La nouvelle section dédiée à des pièces exceptionnelles inédites relatives à des œuvres sérielles, aux grands format ou à la vidéo que Christoph Wiesner dirige au Salon d’honneur s’inscrit elle-même dans cette proportion, puisque sur les onze artistes exposés trois sont des femmes : Regina Virserius (Galerie Éric Dupont, Paris), Suzanne Lafont (Erna Hecey, Bruxelles) et Rosalind Solomon (Bruce Silverstein, New York) pour sa série de portraits issus de son exposition « Portraits in the Time of Aids », objet de polémique quand elle fut présentée en 1988 à New York.
La présentation pour la première fois à Paris Photo de quelques images de Lola Álvarez Bravo (1907-1993) par la galerie mexicaine Grafika La Estampa, en lien avec l’exposition que lui consacre la Maison de l’Amérique latine, en dit long de son côté sur les choix opérés par les galeries : entre 2004 et 2014, les portraits de Frida Kahlo ont été mis en vente aux États-Unis de 2 307 à 9 269 à dollars contre 11 250 à 14 000 dollars pour ceux réalisés par Manuel Álvarez Bravo pour une qualité d’image équivalente. Pourtant, rares sont les tirages de Lola Álvarez Bravo sur le marché. « La proximité de leur vision, voire leur vision commune qui aujourd’hui conduit à s’interroger sur certaines photographies attribuées à Manuel Álvarez Bravo, couplée à des œuvres qui ne diffèrent dans leur signature que par le prénom, a certainement suscité et suscite toujours autant le trouble », explique James Oles, historien de l’art et commissaire de l’exposition Lola Álvarez Bravo à la Maison de l’Amérique latine.
Des prix inégaux
Cette différence de prix se retrouve même dans le courant artistique de l’École de Düsseldorf. La cote de Candida Höfer est très loin de rivaliser avec celle d’Andreas Gursky, Thomas Ruff ou Thomas Struth. Cindy Sherman (1954) peut avoir battu le record de la photo la plus chère du monde en 2011 lors de la vente chez Christie’s de l’Autoportrait #96 (1982), vendu à 3,89 millions de dollars avant d’être détrônée par Rhein II d’Andreas Gursky (4,39 millions de dollars), elle demeure une exception. Les prix pour l’Américaine Francesca Woodman (1958-1981) ou l’Iranienne Shirin Neshat (1957) ne dépassent pas les 150 000 ou 30 000 euros malgré une augmentation ces derrières années et même si leur œuvres sont plus recherchées. La très appréciée Diane Arbus ne fait pas mieux. Le rare tirage d’époque de Identical Twins, Roselle, New Jersey, 1967, est ainsi proposé à partir de 200 000 à 300 000 euros par Sotheby’s lors de sa traditionnelle vente parisienne de novembre. Simone Klein, directeur du département Europe pour la photographie, explique que ces différentiels de prix importants avec leur confrères masculins n’ont rien à voir avec « la qualité de l’œuvre mais avec le self marketing et le travail mené par la galerie en amont ». Les ventes elles-mêmes voient passer beaucoup plus d’hommes que de femmes photographes. Le second marché est un reflet révélateur de la situation. Bien que de plus en plus représentées par les galeristes, « les femmes photographes ont été jusqu’à une période récente largement moins bien représentées que les hommes », rappelle Line Lavesque, qui, à partir de ce constat, a créé à Arles la galerie Les Comptoirs arlésiens, dédiée exclusivement à des auteures souvent non représentées ailleurs en France. « Les regards sont néanmoins en train de changer, y compris du côté des commandes passées », pense la galeriste. On aimerait la croire.
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Sur le marché, les femmes à la traîne
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°684 du 1 novembre 2015, avec le titre suivant : Sur le marché, les femmes à la traîne