Art contemporain

In Spiritus

Rondinone

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 596 mots

PARIS

C’est jour de montage au Palais de Tokyo. H - 1. Et quand c’est jour de montage, ça fixe, ça peint, ça accroche, ça transporte, ça s’affole et ça fait du bruit. Mais pour cette fois, l’équipe semble s’être accordée à la douceur pacifique du chef d’orchestre, lutin réservé en baskets et sac à dos, trottinant d’un problème à l’autre.

Ici, la gigantesque toile d’araignée en néons de Martin Boyce à accrocher au plafond  ; là, de vibrants photogrammes de Bruce Conner à fixer sur les murs  ; plus loin, un socle à choisir pour installer une colonne de Plexiglas jaune de Paul Thek.
Le lutin, c’est Ugo Rondinone, figure majeure de la scène internationale et chouchou du marché. Sculpteur, peintre, vidéaste, champion des espaces ambigus, faiseur de mondes sourds et parallèles, l’artiste suisse cultive les références comme les atmosphères labyrinthiques.

Le lutin se livre peu
Pour cette fois, le labyrinthe se fera sans ses œuvres. Il est le commissaire d’une exposition rassemblant trente et un artistes dont son art se déclare débiteur. Jeunes, moins jeunes, marginaux ou artistes de premier plan, trente et une obsessions parmi celles qui ont bâti son parcours, reliées par un secret système de correspondances. On a beau suspecter dans l’exercice un écho manifeste à sa propre façon « d’arranger les différents médiums », il n’y voit là qu’un pur exercice de circonstances. « Je suis artiste », objecte-t-il. « C’est une chose que l’on fait une fois dans sa vie et finalement je ne suis pas sûr d’aimer travailler pour les autres. »
Mais pour l’heure, tout à son affaire, Rondinone règle avec une précision clinique la disposition de ses artistes. Dans un français créatif aux r chantants, il parle de spiritualité, beaucoup  ; d’art, tout le temps  ; de lui, le moins possible. « Le journal de l’artiste, c’est son travail », justifie-t-il. Tout juste saura-t-on que ce fils de travailleurs immigrés italiens ne se vit jamais autrement qu’en artiste, que ses études viennoises dans les années 1980 furent le meilleur moyen pour lui de quitter sa Suisse natale et qu’il s’en trouva très bien. Pour la suite, se reporter à ses expositions, suites de scénarios spleenétiques cultivant la confusion des genres, le jeu et la promenade. Et si les années 1990 le bombardent sur le devant de la scène, Rondinone préfère parler d’expérience acquise. Et de se réjouir sans fausse modestie : « Je vais enfin pouvoir enseigner. »
On essaie encore : cette exposition pourrait se lire comme un autoportrait  ? Il chuchote, doux mais ferme. Bien sûr, c’est un peu un journal  ; bien sûr, ce sont des artistes qu’il collectionne et avec les œuvres desquels il vit, mais point trop n’en faut. Le lien, c’est encore l’art qui s’en charge. « Les œuvres de tous ces artistes existent de façon autonome, explique Rondinone. Elles sont sans ambition éducative ni pédagogique. Les artistes que j’aime ont l’obsession de faire de l’art. Sans avoir besoin de l’interaction du public. » On pense alors à cet alter ego, que l’artiste mit si souvent en scène avant de le faire disparaître, images déchues et mélancoliques de clowns avachis auxquelles s’ajoutait parfois un ricanement sonore (peut-être) à l’adresse du spectateur. Pour la suite, donc, et pour l’essentiel, se reporter à cette exposition imaginée au Palais de Tokyo, brève et belle odyssée dans le cerveau de l’artiste.

Biographie

1964 Naissance à Brunnen en Suisse.

1986-1990 Il étudie aux Beaux-Arts de Vienne.

1996 Le clown s’impose dans son œuvre comme l’emblème de l’ennui, du vide, de la banalité quotidienne.

2001 Expose au Frac PACA, Marseille.

2003 Exposition personnelle à la Biennale d’art contemporain de Lyon.

2007 Vit et travaille à New York.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Rondinone

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