À la galerie Frédéric Giroux, à Paris, Pascal Broccolichi (né en 1967 à Antibes) propose une installation sonore captivante, tant par son modus operandi que par ce qu’elle donne à entendre... et à voir.
Vous exposez une installation sonore dont le mode de diffusion du son ne répond pas à des caractéristiques techniques traditionnelles (amplificateur, enceintes, etc.). Quels sont les matériaux utilisés, et comment s’effectue la diffusion du son ?
En effet, le fonctionnement acoustique de cette installation ne relève pas des schémas de diffusion usuels. Sonotubes II est composée de deux modules blancs, de forme identique, disposés face à face dans l’espace. Chacun d’entre eux est constitué d’un socle sur lequel repose une véritable « machine à générer des sons », qui est en fait un jeu de trois tubes cylindriques réalisés en papier fibré. Équipés à chaque extrémité de pavillons de diffusion, ils ont pour fonction d’amplifier et de faire rayonner les sons dans plusieurs directions. Les ondes qui se propagent dans toute la structure de l’œuvre sont générées par de puissants vibreurs à très basses fréquences mettant en mouvement trois longs ressorts en inox fortement tendus. Le socle, à l’intérieur duquel sont répartis des haut-parleurs à hautes fréquences, est ajouré de chaque côté par des évents à facettes qui diffusent les fréquences aiguës vers le sol de la galerie.
Cherchez-vous à rendre perceptible la matière sonore d’un lieu ?
Dans le cas de ce projet, je n’envisage pas que le son puisse demeurer une matière qui corresponde à la trace identitaire du lieu. Ici il s’apparente à la manifestation d’un phénomène. C’est une sorte d’environnement qui n’a aucun centre déterminé et qui attend d’être voué à la dispersion.
En quoi vos photographies sont-elles associées à votre recherche, et à quoi correspondent les codes qui les accompagnent ?
Je pense que la cohabitation de l’installation sonore avec les photographies encourage un processus formel qui échappe à la détermination. Depuis 1997, ces images sont toutes prises dans des régions de la planète où repères et frontières n’existent pas, tels les déserts, ou encore dans des milieux transitoires dans lesquels le sol est en mouvement permanent, comme la banquise. Je me contente de prendre un cliché de l’horizon avec l’angle le plus large possible, puis je fais un relevé exact du point GPS à l’endroit même de la prise de vue. Dans un second temps, ce point est crypté à l’aide d’un langage codé et imprimé sur le tirage final.
Vos sonorités semblent avoir un aspect organique...
Oui, c’est absolument cela, un aspect organique dans lequel, pourtant, rien n’est reconnaissable. Pour ce projet où coexistent des images et des sons, je n’utilise aucun bruit de type figuratif qui risquerait de venir illustrer le visuel. Je superpose plutôt des développements souvent très lents d’ondes continues qui peuvent évoluer jusqu’à atteindre des points statiques. Cela passe par un très long travail de capture sonore à partir duquel j’évide tous les signes d’appartenance à une origine quelconque du sens sonore. À ce stade, je peux dire que plus aucun contexte de base n’est identifiable.
Souhaitez-vous rendre perceptible un autre paysage ou un territoire mental, et votre construction sonore comporte-t-elle un cheminement narratif ?
L’espace de la galerie présente deux salles aux proportions parfaitement adaptées à ce type d’exposition. Avec Frédéric Giroux, nous avons choisi de montrer simultanément deux variantes de mon travail. Ici la présence du visuel ne joue pas un rôle accessoire, puisqu’elle est renforcée par la série de photos. Dans ce sens, l’image a un statut tout aussi autonome que celui de l’installation. Les itinéraires des ondes directionnelles générées par les Sonotubes décrivent des tracés géographiques dans tout l’espace de la galerie. Les vues de paysages désertiques augmentent à leur tour ce jeu de localisation en encourageant les déplacements des spectateurs, d’une salle à l’autre et entre chaque scène potentielle. C’est un parcours multipistes selon un processus qui est fondé sur des règles de projection à partir desquelles les effets de reliefs sonores figurent des trajectoires mentales. Celles-ci, tels des îlots de pensée, viennent perturber ou entretenir le développement initial de lecture fait par le spectateur. Mon projet consiste donc à amorcer des narrations potentielles, dans lesquelles l’ordre d’investigation se fait sur un itinéraire croisé entre celui des sons et celui des images.
PASCAL BROCCOLICHI. DISPERSION, jusqu’au 23 février, galerie Frédéric Giroux, 8, rue Charlot, 75003 Paris, tél. 01 42 71 01 02, www.frederic giroux.com, tlj sauf dimanche et lundi 11h-19h.
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Pascal Broccolichi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Pascal Broccolichi