Fervent moderniste, l’architecte sino-américain disparaît à l’âge de 102 ans. Géométrie et audace distinguent ses travaux dans le monde, à commencer par la pyramide du Louvre.
New York. Ieoh Ming Pei est décédé jeudi 16 mai au matin, à son domicile de New York (États-Unis). Il avait 102 ans. Mondialement connu à partir de 1978, grâce à la réalisation de l’aile est de la National Gallery of Art, à Washington, composition de « blocs » massifs de marbre du Tennessee disposés autour d’une cour centrale triangulaire, il était célèbre, en France, pour avoir conçu la fameuse pyramide du Musée du Louvre. Choisi en 1983 par le président François Mitterrand pour repenser l’entrée principale de ladite institution, Pei propose alors d’ériger, dans la cour Napoléon, un tétraèdre de verre et d’acier qui, à l’époque, souleva une vive polémique, ses opposants l’accusant de vouloir défigurer l’un des plus grands monuments au monde. L’architecte, lui, arguera que « sa » pyramide n’était qu’une version actualisée d’une forme traditionnelle et que le nouveau dessin de la cour Napoléon était inspiré par le travail géométrique d’André Le Nôtre, jardinier du roi Louis XIV. Coïncidence des temps, l’édifice a fêté, au printemps, son 30e anniversaire.
Ieoh Ming Pei est né le 26 avril 1917 à Canton (aujourd’hui Guangzhou), en Chine. Son père est un riche banquier ouvert à l’influence occidentale et sa mère une musicienne bouddhiste. En 1935, Pei s’envole pour les États-Unis. Il étudie au Massachusetts Institute of Technology, à Cambridge, d’où il sort diplômé en architecture en 1940, puis, quatre ans plus tard, toujours dans cette même ville, décidera de parfaire sa formation par une maîtrise à la Graduate School of Design de Harvard, alors sous la houlette de Walter Gropius, le fondateur du Bauhaus, et de Marcel Breuer, autre grand maître du mouvement moderne.
En 1948, il est recruté par un célèbre promoteur immobilier new-yorkais, William Zeckendorf, lequel le charge de superviser les bâtiments que produit sa firme Webb & Knapp. Alors que ses condisciples d’Harvard se considèrent chanceux lorsqu’ils dessinent une maison unifamiliale, Pei, lui, érige d’emblée d’imposantes tours d’habitation. Un tremplin qui lui permettra, en 1955 – un an après avoir été naturalisé américain –, de créer sa propre agence : I. M. Pei & Associates. Dans ses premières années d’existence, l’agence n’aura pas à chercher loin, œuvrant surtout pour… William Zeckendorf.
Mais peu à peu, Pei s’émancipe de son principal client, remportant, dans les années 1960, moult commandes majeures tels le National Center for Atmospheric Research, à Boulder (1967) ou le Everson Museum of Art, à Syracuse, et le Des Moines Art Center, tous deux achevés en 1968. Ardent moderniste, il élabore alors un vocabulaire singulier, hardi mais pragmatique, mêlant l’utilisation de géométries simples et une certaine aspiration à la monumentalité. Les projets s’enchaînent : édifices municipaux (Dallas City Hall, 1977), bibliothèques (John F. Kennedy Library, à Boston, 1979), sièges sociaux (Bank of China, Hong Kong, 1990), hôpitaux (Guggenheim Pavilion du Mount Sinai Hospital, à New York, 1992), salles de concert (Rock & Roll Hall of Fame and Museum, à Cleveland, 1995), musées (Museum of Islamic Art, à Doha [Qatar], 2008). En 1979, l’année qui suit l’achèvement de l’aile est de la National Gallery of Art de Washington, Pei reçoit la Gold Medal for architecture, plus haute distinction décernée par l’American Institute of Architects. Quatre ans plus tard, il décrochera le Pritzker Prize, considéré aujourd’hui à l’égal du prix Nobel en architecture.
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L’intrépide architecte Ieoh Ming Pei s’est éteint
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°524 du 24 mai 2019, avec le titre suivant : L’intrépide architecte Ieoh Ming Pei s’est éteint