Art contemporain

Le Street artiste Shepard Fairey mobilise pour la COP21 à la Tour Eiffel

Par Stéphanie Lemoine · lejournaldesarts.fr

Le 23 novembre 2015 - 825 mots

PARIS [23.11.15] - En raison des événements, l’inauguration d’une installation de Shepard Fairey à la Tour Eiffel pour la Cop 21 s’est tenue en petit comité. L’auteur du poster Hope de Barack Obama s’est confié au journaliste du JdA.

Tenu secret jusqu’au dernier moment, l’événement devait donner lieu à une inauguration en grande pompe avec petits fours et liste d’invités triés sur le volet. Les attentats du vendredi 13 novembre dernier ont eu raison de la cérémonie – la Mairie de Paris ayant préféré l’annuler à la fois pour des raisons de deuil et de sécurité. C’est donc en tout petit comité, et sous une bruine accordée à la circonstance, qu’a été inauguré le vendredi 20 novembre Earth Crisis globe de Shepard Fairey. Conçue dans le cadre de la COP21 à l’initiative de la galerie Itinerrance avec le concours de la Mairie de Paris et de la société d’exploitation de la Tour Eiffel, cette sphère bleue, blanche et verte de 2,3 tonnes et 8 mètres de diamètre flotte entre le 1er et le 2e étage du monument parisien, à 60 mètres au-dessus du sol. Elle y restera suspendue une semaine – peut-être plus : « Comme beaucoup d’événements prévus ici ont été annulés, nous sommes en train de négocier une prolongation au-delà du 26 novembre avec la Mairie », confie Mehdi Ben Cheikh, fondateur de la galerie Itinerrance.

Ne serait-ce les allures de pétard mouillé que lui donnent l’actualité et les contraintes techniques qui en ont limité la taille (le diamètre originel, de 18 m, semblait mieux accordé à l’échelle du monument), l’installation a tout d’une prouesse – de celles qui créent régulièrement le buzz dans la sphère street art. « Etre ici est un coup », confirme Shepard Fairey.

Mehdi Ben Cheikh pourrait sans doute en dire autant : rompu à la production d’œuvres publiques monumentales et orchestrateur en 2013 de la Tour Paris 13, le galeriste parisien a tenté là son plus haut fait d’armes, deux ans et demie après sa première collaboration avec Shepard Fairey sur un mur du 13e arrondissement. Ouvrant le bal des mobilisations autour de la COP21, Earth Crisis Globe pourrait en effet être le prélude à une exposition du street artiste américain en juin prochain à la galerie.

Devenue monnaie courante ces dernières années, cette façon de croiser intervention en espace public et promotion d’un événement commercial souligne, si besoin était, les liens tenus qui unissent street art et communication. Chez Shepard Fairey, ces liens sont d’autant plus complexes que l’Américain explore depuis les années 1990 les mécanismes de la propagande politique et publicitaire – qu’il s’agisse d’en dresser la critique ou d’en répliquer les codes (notamment ceux du constructivisme russe) à des fins militantes.

Concentré des questions soulevées par la COP21 – de notre dépendance au pétrole au développement des énergies renouvelables, Earth Crisis Globe fait ainsi de la répétition un outil de mobilisation : les mandalas ornementaux qui couvrent la sphère encadrent des images familières au public de Shepard Fairey et déjà déclinées par le passé sur divers supports (affiches, sérigraphies, T-shirts, etc.) dans le cadre de prises de position personnelles ou de luttes collectives.

Parmi ces visuels iconiques, le « Are we betraying the planet » (Sommes-nous en train de trahir la planète ?) créé en 2009 à l’approche de la COP15 à Copenhague, ou encore un champ d’éoliennes bleues conçu à la fin des années 1990 pour l’organisation Save Our Environment. « Je collabore avec de nombreux groupes militants, indique l’artiste. Mon premier rôle, quand je travaille avec des activistes, est de créer des images qui résument une idée, un concept, et puissent leur servir d’outils. Je lève aussi des fonds à leur profit en vendant mon travail. Enfin, j’utilise les réseaux sociaux, où je jouis d’une large audience, pour alerter l’opinion mais aussi pour gagner un soutien à ces organisations. » « Je crée des images sur ce thème depuis plus de vingt ans », rappelle au besoin l’artiste.

L’œuvre créée à la Tour Eiffel par Shepard Fairey confirme ainsi son statut d’artiste engagé, sinon d’artiviste. Mais si sa force d’impact réside dans sa capacité à créer des œuvres qu’il qualifie de « décoratives au sens scolaire du terme », l’Américain ne borne pas son rôle à celui d’un faiseur d’images ni d’un communicant. Sa capacité à mobiliser tient aussi à la liberté qu’il s’octroie dans l’espace public, et à sa manière de faire du street art un moyen de secouer les passivités : « Aux Etats-Unis, les seules images visibles dans l’espace public sont la publicité et la signalétique, rappelle-t-il. Inconsciemment, elles véhiculent l’idée que le citoyen lambda n’a aucun moyen de participer à la transformation de son environnement, qu’il est un simple consommateur. Je crois à l’empowerment, et au fait que créer dans les rues amène les gens à se questionner sur la façon dont celles-ci sont aménagées. Une telle démarche peut aussi les inspirer et les inviter à participer. »

Légende photo

L'oeuvre de Shepard Fairey suspendue à la Tour Eiffel © AFP - CITIZENSIDE/BERNARD MÉNIGAULT / citizenside.com / Citizenside

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