Sans jamais se départir de son sourire, Elyx se tient en équilibre au sommet de la tour Eiffel, flâne dans les rues de Paris, New York ou Séoul, visite une exposition, joue les ambassadeurs virtuels à l’ONU, milite pour le climat.
Créature de papier déclinée en deux temps trois mouvements au stylo noir sur un petit carnet, il se fond avec humour dans l’environnement de son créateur, l’artiste et réalisateur Yacine Ait Kaci (YAK en abrégé), puis vient grossir sous la forme d’une mise en contexte photographique le flux d’images dont se composent Facebook, Twitter ou Instagram. Et ce, qu’il vente ou qu’il pleuve, de jour comme de nuit, été comme hiver, depuis 2011.
Pour qui connaît son inventeur, la naïveté bonhomme d’Elyx ne laisse pas de surprendre. Formé aux Arts décoratifs où il embrasse la création numérique, YAK a conquis l’estime du monde de l’art en cofondant Electronic Shadow en 2000 avec l’architecte Naziha Mestaoui. À une époque où le numérique n’a pas encore tout à fait pénétré chaque pan de la réalité, le duo y expérimente l’hybridation entre architecture et code informatique et pose les fondements du mapping – ce qui lui vaudra quelques prix prestigieux, dont celui du Japan Media Art Festival en 2005. Très loin, donc, des poses enfantines d’Elyx. Comment YAK a-t-il pu ainsi passer des prouesses technologiques d’Electric Shadow à la simplicité d’un dispositif qui, de l’exécution du dessin à sa mise en ligne, requiert un minimum de temps et de moyens matériels ? Pour l’artiste, ce glissement vers ce qu’il nomme le « digital street art » n’a rien d’une rupture, et coïncide au contraire avec l’avènement de l’ère dite post-Internet. Mobile, connecté, agile, léger, Elyx est tout à la fois le produit et le reflet d’une époque où l’outil numérique a cessé d’être aux mains d’une poignée d’artistes et d’experts pour se superposer entièrement au réel. Dans un tel contexte, l’épate technologique n’a plus court, et ce sont au contraire les dispositifs les plus simples, les plus universels, qui sont susceptibles d’avoir le plus d’impact. Leur caractère d’évidence promet en effet d’interconnecter et de mobiliser de vastes communautés. « Plus on va aller vers l’intelligence artificielle, plus on va parallèlement chercher la rencontre avec l’humain », résume YAK. Pour l’artiste, cette vaste interconnexion a nécessairement une portée politique : « Elyx est un outil d’“empuissantement” (traduction québécoise d’empowerment, Ndlr) », affirme-t-il. Quand nombre de créateurs contemporains explorent la face sombre de la révolution numérique et en prophétisent les périls – surveillance généralisée, « ubérisation » des travailleurs, etc. – lui se tient résolument du côté de « ce qui sauve », épousant l’optimisme des chantres de « l’économie positive » et de la « civilisation de l’empathie ». Comme si l’issue de la révolution numérique dépendait de notre capacité à l’aborder avec le large sourire d’Elyx.
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Le post-Internet en deux temps trois mouvements
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Le post-Internet en deux temps trois mouvements