Le trio Augustin Scott de Martinville, Grégoire Jeanmonod et Elric Petit présente ses productions au Grand-Hornu, en Belgique.
HORNU - C’est le genre d’exposition que l’on aimerait voir beaucoup plus souvent en France. Une scénographie élégante et sans chichis. Une présentation claire et sans esbrouffe. Et pourtant, elle émane d’une toute jeune agence de design, Big-Game, trio francophone formé par Augustin Scott de Martinville (France, 28 ans), Grégoire Jeanmonod (Suisse, 30 ans) et Elric Petit (Belgique, 31 ans). Tous trois ont décroché leur diplôme en 2003 – les deux premiers à l’École cantonale d’art de Lausanne, le troisième à l’École nationale supérieure des arts visuels La Cambre, à Bruxelles. Et ont fondé, dans la foulée, « Big-Game », firme aujourd’hui bicéphale basée à Lausanne et à Bruxelles.
Leur exposition monographique se déploie sur le site du Grand-Hornu Images à Hornu, en Belgique, et s’intitule « Overview », autrement dit « Vue d’ensemble ». Sont effectivement dévoilés ici cinq ans de travaux, dont moult produits aujourd’hui édités. Chacun à leur manière, les objets disent la philosophie de Big-Game. À commencer par l’humour, que le triumvirat manie à l’envi. Ainsi dans la collection « Heritage in Progress », par exemple, avec laquelle ils revisitent les traditionnels trophées de chasse (Animaux), ici constitués de lamelles de bois que l’on assemble comme un Meccano pour recréer des têtes d’animaux en trois dimensions. Ou encore dans ce drôle de tapis intitulé Miles, qui ressemble davantage à un circuit d’enfant qu’à une peinture abstraite – il est d’ailleurs livré avec des automobiles miniatures. Les trois designers montrent aussi une certaine passion pour le packaging, qu’ils détournent de manière subtile dans plusieurs de leurs objets. Dépliée à plat, la banale et populaire « boîte en carton » se fait tapis de laine (Flatpack). En volume cette fois et en métal, elle devient tabouret de secours (Box). Le miroir Strap a tout, lui, de l’objet en instance de déménagement. Il n’en est rien. Ce miroir rectangulaire est bel est bien un produit fini, les quatre coins métalliques fixés aux angles et la bande de nylon qui les relie en périmètre faisant partie intégrante de l’objet.
Transfert de technologie
Parfois, les créations frisent l’anecdote, telle cette lampe d’intérieur (Blank) inspirée des enseignes lumineuses urbaines, ou encore cette série de miroirs (Fiat) réalisés en argentant de véritables vitres d’une Fiat Panda, pare-brise compris. En revanche, là où les Big-Game remportent la mise, c’est dans leur intelligence à user de l’outil industriel, voire à le transposer, ce que l’on nomme plus trivialement « transfert de technologie ». En témoigne le luminaire Metal Work, dont une vidéo montre très précisément le principe de fabrication, sinon sa simplicité : deux lames tranchent un unique profil creux en aluminium, les deux morceaux sectionnés servant ensuite à concevoir le pied dudit luminaire. Bref, point n’est besoin d’utiliser de multiples profils – opération toujours plus coûteuse – pour imaginer un objet.
Le portemanteau Oak Coat Rack, lui, est un simple morceau de bois de section carrée, comportant deux incises judicieusement placées qui lui permettent d’une part de tenir debout, d’autre part de remplir effectivement sa fonction : porter un manteau. Dans le projet « Fold », les Big-Game évoquent leur attrait pour deux technologies complémentaires : le fraisage et le pliage. À partir de plaques d’Alucobon – matériau composite fabriqué à partir d’aluminium –, ils ont développé tout un vocabulaire de formes, tels des origamis, dont ils se sont ensuite inspirés pour créer une table et une lampe. Une seule plaque d’Alucobond de 3 mm d’épaisseur, quelques rivets et un judicieux pliage suffisent à engendrer une table. Idem, à une moindre échelle, pour la lampe, qui se révèle être un bel hommage à la Religieuse en albâtre de Pierre Chareau. Côté transfert de technologie enfin, la chaise Bold est l’exemple idoine. Ces deux tubes de métal accolés et recouverts de mousse de polyuréthane sont, au final, habillés de housses textiles faites sur mesure dans une fabrique de… chaussettes.
Dotés d’une carrière dont les ans se comptent sur les doigts de la main, les Big-Game montrent néanmoins déjà un fort attachement au design produit. Dans cette période troublée du « Design Art » (quel affreux vocable !), cela fait du bien.
BIG-GAME, OVERVIEW, jusqu’au 22 février, Grand-Hornu Images, rue Sainte-Louise 82, Hornu (Belgique), tél. 32 65 65 21 21, du mardi au dimanche 10h-18h. Cat., éd. Stichting Kunstboek, Oostkamp, 122 p., 39 euros, ISBN 978-90-5856-287-6.
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Le grand jeu des Big-Game
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Le grand jeu des Big-Game