PARIS
Le ministère de la Culture a établi un barème minimum de rémunération à verser aux artistes dont les œuvres sont présentées publiquement.
Réclamée depuis longtemps par les artistes, la rémunération au titre du « droit d’exposition » est maintenant encadrée par un texte de la direction générale de la Création artistique du ministère de la Culture. Ce texte est issu d’un groupe de travail qui comprenait le service des Musées de France, le service des Arts plastiques, les deux organismes de gestion collective du droit d’auteur (ADAGP et SAIF), les associations Platform pour les Frac (Fonds régionaux d’art contemporain), D.C.A et Tram pour les centres d’art, ainsi que le Cipac pour l’ensemble des professionnels de l’art.
« Alors que l’exposition constitue un mode habituel d’exploitation des œuvres, elle ne fait dans une très grande majorité des cas l’objet d’aucune rémunération au titre des droits d’auteur, au contraire des autres champs de la création littéraire et artistique », note le groupe de travail dans ses conclusions. Leur réflexion a abouti à des recommandations inédites de rémunération par type d’exposition qui « peuvent être mises en œuvre aussi bien par l’État, ses opérateurs et ses labels que par les collectivités territoriales », selon le ministère de la Culture. Ce sont des recommandations ; il s’agit en effet moins d’imposer que de responsabiliser les organisateurs d’exposition.
« C’est un seuil de rémunération volontairement très bas qui a été adopté car il ne faudrait pas que ces recommandations aient pour effet une baisse du nombre d’expositions, surtout dans une période d’économie contrainte », prévient la Rue de Valois. Ce minimum de rémunération a ainsi été fixé à 1 000 euros pour une exposition monographique, quelle que soit sa durée et quel que soit le nombre d’œuvres. Si l’exposition dispose d’une billetterie payante distincte des autres expositions, une rémunération proportionnelle devra s’appliquer sur les recettes de la billetterie.
Dans le cadre d’une exposition collective, le minimum de rémunération a été fixé à 100 euros pour tout artiste dont une œuvre au moins est présentée, et ce quelle que soit sa durée. Si l’exposition collective présente moins de dix artistes, un montant global de 1 000 euros par exposition devra être divisé par le nombre d’artistes. Si l’exposition présente plus de dix artistes, un minimum de rémunération de 100 euros par artiste sera appliqué.
Présenté d’abord aux représentants des différentes associations d’élus (Association des maires de France, France urbaine, Régions de France), ce barème a depuis été remis aux conseillers en arts plastiques et conseillers pour les musées des directions régionales des Affaires culturelles, aux directeurs des écoles d’art nationales et territoriales et aux directeurs des musées nationaux.
À partir de 2020, les contrats de performances et les conventions pluriannuelles d’objectif des opérateurs du ministère de la Culture devront obligatoirement faire apparaître cette rémunération. De même, le ministère précise que « cette rémunération des artistes rentre dans les critères pour obtenir le label “centre d’art contemporain d’intérêt national” ». L’association D.C.A a été la première en avril de cette année à publier un code des bonnes pratiques assorti d’un premier barème de rémunération minimum très détaillé qui engage l’ensemble de ses membres. « La part de la rémunération relevant du droit d’auteur de l’artiste, dénommée “droit d’exposition”, sera désormais mentionnée et identifiée dans le cadre de la rémunération des artistes par les Frac », souligne de son côté Julie Binet, secrétaire générale de Platform. Un guide et des modèles de contrat devraient par ailleurs être établis pour faciliter l’application de ce barème par les collectivités territoriales ou les opérateurs privés.
Une évaluation du coût que représenterait l’application de ce minimum de rémunération dans les établissements sans billetterie a été réalisée par le service des Arts plastiques. « Sur la base d’une rémunération de 1 000 euros, le coût pour les Frac et centres d’art s’élèverait chaque année respectivement à 153 000 euros et 173 000 euros pour les expositions monographiques. Pour les musées de France, le coût annuel total des expositions monographiques et collectives a été chiffré à 182 000 euros. »
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°535 du 13 décembre 2019, avec le titre suivant : Le droit d’exposition des artistes prend enfin forme