Une quarantaine d’artistes sur le front social.
Taïpeh - Pour sa quatrième édition, la Biennale de Taïpeh propose un parcours d’œuvres à l’accent de critique sociale, produites par des artistes diversement engagés : un parcours qui réserve de bonnes surprises, à défaut de réelle cohérence d’ensemble. Sous l’inspiration des deux commissaires, la Belge Barbara Vanderlinden (à son actif, entre autres, Manifesta 2, au Luxembourg) et Amy Huei-hua Cheng (qui vit entre Taïwan et Vancouver au Canada), l’exposition hébergée par le Taïpeh Fine Arts Museum a choisi de relever frontalement la tentation très actuelle du documentaire critique, dans cette ville exemplaire de l’activisme capitaliste mais aussi de ses inquiétudes. Le spectateur européen retrouve des œuvres connues – et des meilleures, ainsi celles de : Jean-Luc Moulène, l’Agnès Varda des Glaneurs et la Glaneuse, Anri Sala, The Atlas Group (fondé en 1999 par le Libanais Walid Raad) ou David Claerbout. Mais aussi d’autres bien moins familières à nos regards, et qui tiennent par un fil fragile. « Do you Believe in Reality ? » La question, venue d’un essai du philosophe et sociologue Bruno Latour, s’affiche sur les bus de Taïpeh. Et tient plus en effet du slogan que d’une articulation significative. Elle permet cependant de tracer un parcours assez libre. Celui-ci s’ouvre avec un ensemble de films documentaires chinois et taïwanais (dont un long-métrage de Hou Hsiao-hsien de 1983), sélectionnés par un artiste de Taïpeh, Chen Chieh-jen, et présentés dans un dispositif de projection assez convaincant.
Intrigant Weerasethakul
Dans le reste de l’exposition, les propositions d’une quarantaine d’artistes et collectifs réunis se situent à des distances très variables du monde social. Et ce sont plutôt – malgré les propos de la commissaire européenne, laquelle défend, en l’opposant à l’idée de représentation, le rapport de présentation des choses dans le documentaire –, celles des artistes qui construisent, au-delà de la revendication, des dispositifs de représentation élaborés qui nourrissent la meilleure veine de la Biennale. Ainsi, et dans l’ordre du parcours, le dispositif cinématographique de Yang Fu-dong (né en 1971 à Pékin, il vit à Shanghaï) intitulé Dai Hao and Man Te (2004), lequel vaut au spectateur d’arpenter un labyrinthe autour d’un white cube percé d’une fenêtre, une salle où est projetée une image de cinéma qui demeure virtuelle puisqu’elle se perd par la fenêtre ouverte, sauf quand le corps du visiteur fait écran ; l’intrigant film de Apichatpong Weerasethakul, Thirdworld (1997), ou encore, dans un tout autre registre, les saynètes de Tsui Kuang-yu, un Pierrick Sorin taïwanais. On note aussi les très belles photos et le projet de mémoire culturelle de Maruch Santis-Gomez, Mexicaine du Chiapas devenue artiste après une action de l’artiste américaine Carole Duarte. Deux salles plus loin, avec le fouillis sensible d’Honoré d’O et Franciska Lambrechts, loin de l’ambiguïté jubilatoire du groupe d’artistes australiennes The Kingpins, féroce pastiche des clichés masculins de la musique populaire et du rock, ou de l’effet d’inventaire du monde produit par l’installation de choses trouvées de Raqs Media Collective (trois artistes de New Delhi), vous aurez une Biennale qui convainc – et c’est l’essentiel – par les œuvres.
jusqu’au 23 janvier, Taïpeh Fine Art Museum, 181, Zhong-shan Nord Road, Section 3, Taïpeh, Taïwan, tél. 886 2 2595 7656, www.taipeibiennale.org. Deux catalogues dont l’un, comprenant les retranscriptions des conférences et des vues d’exposition, est à paraître courant décembre.
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La réalité à Taïpeh
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : La réalité à Taïpeh