VENISE / ITALIE
Des représentations les plus instituées des quasi-ambassades des Giardini aux plus informelles expositions dispersées dans la ville, parcours à travers les pavillons nationaux.
VENISE - Entre globalisation et régionalisme identitaire, entre découpage national et internationalisme de l’art (internationalisme défendu à son tour dans son discours de réception par le lauréat du Lion d’or 2007, le Malien Malick Sidibé), la Biennale de Venise ronronne, non sans contradiction mais sans guère de contestation. Du coup, lire directement les rapports de force du monde d’aujourd’hui au travers de la nature ou de l’ambition des pavillons nationaux relèverait largement de la conjecture. Une soixantaine de pays ou régions sont spécifiquement représentés cette année (pour quelque quatre-vingts nationalités différentes répertoriées sur l’ensemble de la Biennale) : représentations des plus instituées dans les pavillons-ambassades des Giardini, ou informelles, dispersées dans la ville, voire sous la forme exclusive d’un catalogue pour la Nouvelle-Zélande.
Nouvelle venue intégrée à l’Arsenal, la Turquie attendra un tour prochain pour s’imposer sur une proposition plus convaincante, celle de Hüseyin Alptekin se noyant dans son costume trop neuf. C’est cependant le « pavillon africain » qui constitue une nouveauté plus notable. L’émergence de l’Afrique a été préparée par des initiatives au sein des précédentes éditions. On se souviendra par exemple (mais surtout pour son catalogue !) de « Fault Lines », organisée en 2003. Robert Storr a botté ici en touche, se déclarant inapte et lançant un appel à projets soumis à un comité qui aura retenu la proposition de Fernando Alvim, artiste et commissaire angolais, agissant pour une collection privée dont la sélection a fait grincer des dents. Non pas tant relativement à la qualité des œuvres, réunies par le collectionneur allemand Hans Bogatzke aujourd’hui disparu, mais à cause de la personnalité sombrement marquée d’affairisme politique de Sindika Dokolo qui les a acquises récemment. Sous le titre de « Check-list Luanda Pop », un ensemble, plutôt bien accroché mais très dense, associe sur 800 m2 trente et un artistes entretenant des rapports divers avec l’Afrique : Santu Mofokeng, Ghada Amer, Yinka Shonibare, mais aussi DJ Spooky (curateur de la Biennale de Luanda en 2006), Andy Warhol (africain par Basquiat). Ici un film d’Alfredo Jaar sensible mais paradoxalement esthétisant ; à côté une saisissante vidéo de Tracey Rose, des installations de Mounir Fatmi et de Bili Bidjoka plutôt convaincantes. Enfin, il faudra garder l’œil sur un jeune Luandais, Yonamine.
La Chine se déploie aussi, au fond de l’Arsenal, avec quatre artistes parmi lesquels de très jeunes, faisant preuve toutefois de plus d’efficacité que de nécessité. Le pavillon italien réunit deux figures bien différentes de la scène transalpine et leurs installations très maîtrisées. Francesco Vezzoli met en scène avec une forme de cynisme (où est-il, lui l’artiste, dans le cirque politico-médiatique ?) deux candidats soumis aux suffrages des citoyens américains. Giuseppe Penone produit un espace poético-naturaliste où on le reconnaîtra bien là.
Le Mexique se distingue
Aux Giardini, pas d’action d’éclat ni de surprise radicale. Sophie Calle s’est associée l’efficacité d’un Daniel Buren pour la construction d’un espace donnant consistance à son propos intime autour d’une lettre de rupture confiée aux remarques d’une centaine de femmes. Au-delà de l’effet de check-list germanopratine, la proposition n’aura guère fait bouger les lignes de la guerre des sexes. La présence féminine n’en reste pas moins un signe d’importance avec, entre autres, Tracey Emin, dont le brio est mouché par un accrochage très convenu (Grande-Bretagne). L’imprévisible Isa Genzken (pavillon allemand) laisse quant à elle trouble et insatisfaction devant une évocation inquiète de la conquête de l’espace où l’homme apparaît comme un étrange instrument. Le pavillon canadien est transformé avec la liberté d’esprit du conte par le jeune David Altmejd. Des propositions sont un peu formelles en Australie, aux Pays-Bas (Aernout Mik), même en Belgique en dépit de la loquacité toujours délicieuse d’Éric Duyckaerts. Monika Sosnowska occupe en revanche de très belle manière, avec une gigantesque architecture métallique, le pavillon polonais, tandis que le peintre autrichien Herbert Brandl impose un pavillon de peinture plutôt juste. Des moments attachants avec les images de synthèse de AES F en Russie, les images de synthèse encore d’Yves Netzhammer (mais on oubliera vite les propositions des autres Suisses cette année, y compris à San Stae). Sur les cinq Espagnols, restent surtout la verve du duo Los Torreznos et la légèreté de Rubén Ramos Balsa. Felix González-Torres pour les États-Unis est toujours bienvenu, mais pas vraiment à son heure ici. En ville, la multiplication des univers laisse le visiteur-arpenteur entre saturation et instants de délice parfois amers. L’atmosphère méticuleusement rejouée de l’espace du pavillon du Luxembourg par Jill Mercedes mérite son moment de patience, de même que l’univers nostalgique de Haris Epaminonda (Chypre). Avec Rafael Lozano-Hemmer, le Mexique touche à la réussite avec des dispositifs interactifs très sophistiqués assez bluffants (plus sensibles qu’autoritaires) et révèle là l’un des plus ambitieux pavillons de l’édition 2007.
Du 10 juin au 21 novembre, Giardini di Castello, Arsenal, Venise, tlj 10h-18h, Giardini fermés le lundi, Arsenal fermé le mardi, rens. 39 041 5218711, www.labiennale.org
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La pluie et le beau temps
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°263 du 6 juillet 2007, avec le titre suivant : La pluie et le beau temps