Les espaces complexes, entre figuration et abstraction, de Farah Atassi sont présentés à la Galerie Xippas, à Paris.
À la Galerie Xippas, à Paris, Farah Atassi (née en 1981) livre de nouveaux tableaux qui, s’ils restent construits autour d’espaces complexes, flirtent de plus en plus avec la limite entre abstraction et figuration.
Vos nouveaux tableaux incorporent cette organisation architecturale récurrente dans votre travail, mais s’y introduisent des objets tels des jouets ou des maquettes qui se combinent à des signes graphiques. D’où viennent ces motifs et comment décidez-vous de les assembler ?
Tous ces tableaux fonctionnent selon le même dispositif de « all over » et de « display » qui se répondent. Je construis toujours mes toiles à partir d’une grille sur laquelle je déploie un motif en « all over » qui nie la perspective du tableau. Donc même si au préalable je fais un dessin illusionniste de l’espace, avec une perspective très marquée, le déploiement de ce motif induit un effet de planéité. Et en bas des compositions se trouve un « display » de maquettes qui sont des références au modernisme et à son utopie. Il s’agit soit de jouets conçus par les avant-gardes, soit de sets pédagogiques du début du XXe siècle, soit, dans les séries « Workshop » et « Building The City » (2013), de maquettes de bâtiments d’usines par Ladislav Sutnar [un graphiste tchèque]. Dans cette série, j’ai voulu confronter le modernisme, à partir duquel j’ai toujours travaillé, à des esthétiques rivales comme le folklore ou l’ornement. C’est pourquoi on a parfois l’impression de percevoir des motifs amérindiens ou bavarois. Le projet est venu de Tabou I (2013), la toile maîtresse de l’exposition ; elle m’a été inspirée par le film Les Nibelungen (1924) de Fritz Lang, qui combine l’esthétique du Bauhaus et le folklore allemand. Cela m’a fascinée.
Qu’est-ce qui initialement vous a intéressée dans la confrontation de ces esthétiques très différentes ?
Je fabrique toujours mes tableaux à partir d’une grille de Scotch et j’ai pu constater qu’à la base de toutes ces esthétiques se trouve la forme géométrique du carré ou du triangle. Selon la manière dont je vais ensuite les disposer, ces motifs inspireront des mondes complètement différents. Cela peut être des esthétiques très minimales comme pour les « Workshop » ou les « Building The City », où l’on est dans une ville mondrianesque au modernisme pur ; mais si j’assemble les carrés différemment, si j’ajoute un petit triangle, on tombe dans tout autre chose. J’ai voulu explorer les limites du motif en « all over », voir à quel moment il peut basculer vers l’ornement. D’un point de vue plus intellectuel, j’étais dans la conception très greenbergienne du modernisme, puis, à la lecture [du philosophe] Jacques Rancière je me suis rendu compte qu’une autre vision était possible, qui incluait le folklore populaire, l’artisanat, ce qui m’intéresse de plus en plus.
Votre peinture relève d’une véritable construction. Tout se met en place dans des espaces visuellement très complexes avec des effets de surfaces, de plans combinés, des enchaînements de motifs. Comment procédez-vous ?
Comme je fonctionne désormais toujours avec ce même dispositif de « all over » et de « display », je m’amuse vraiment à créer le plus d’espaces possibles en fabriquant des volumes, car plus on crée des volumes en peinture, plus on a de sensation d’espace. J’essaye donc de compliquer le plus possible l’espace car je sais qu’ensuite le tableau va être aplati par le motif. Et plus je crée d’effets de volumes dans l’espace, plus mes motifs vont produire les effets de distorsions et de ruptures qui m’intéressent. On peut voir par exemple que dans Modern Toys II (2013) et dans Playroom III (2013) le motif est subitement interrompu, ou bien il apparaît de façon complètement distendue à certains endroits. Parfois il y a des chevauchements ou des débordements. Il faut comprendre que la grille est posée sur l’espace : le motif suit donc cet espace, comme si on collait un papier peint sur un mur. Donc plus je vais introduire de volumes et plus je vais complexifier l’espace, plus je vais obtenir des effets bizarres, ceux recherchés avec les motifs. Je pense que mes tableaux sont construits de manière assez complexe, mais cette complexité est vite effacée derrière des motifs et des formes simples. Ce n’est pas du maniérisme, c’est ma nature de peintre, ma manière de dessiner et de concevoir les objets.
Jusqu’au 26 octobre, Galerie Xippas, 108, rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, tél. 01 40 27 05 55, www.xippas.com, tlj sauf di-manche lundi 10h-13h, 14h-19h.
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Farah Atassi : « Modernisme, ornement et folklore »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Farah Atassi : « Modernisme, ornement et folklore »