Après une rétrospective de ses dessins à Beaubourg en 2001, Cy Twombly est à l’honneur à Avignon.
Avignon - En entrant dans l’hôtel de Caumont, les pivoines les plus belles ne sont pas les vraies, disposées à l’accueil, mais celles qui, jetées sur les grands panneaux de bois fixés aux cimaises, ne laissent pas de fasciner le visiteur. Ces formes beiges, rouges ou pourpres ruisselant sur un fond jaune ou vert kitsch, tracées d’un geste circulaire, entraîné, forment une symphonie de couleurs chamarrées qui va en s’intensifiant. Leur variété rappelle les mille et une teintes des pivoines cultivées par les moines jardiniers des temples zen. Autre référence japonisante, Hokusai, à qui Éric Mézil, le commissaire de l’exposition, compare Cy Twombly, né en 1928 en Virginie et vivant depuis 50 ans en Italie. Hokusai affirmait à la fin de sa vie avoir compris « la structure de la nature vraie ». On ne peut en effet s’empêcher de voir dans ces fleurs de feu les visions d’un sage qui, après une vie passée à étudier les formes de la nature, percevrait enfin la vraie nature des formes. Métaphore du peintre-samouraï désarmé face à la beauté florale, un haïku est reproduit d’une écriture malhabile et à demi-effacée sur plusieurs peintures : « Ah, ces pivoines pour lesquelles Kusinoshi retira son armure ». Des fleurs qui, aussi bien, évoquent les nymphéas de Monet, les sérigraphies d’Andy Warhol, les collages de Matisse que les amandiers de Bonnard…
Cy Twombly est aussi rare que mystérieux. Le peintre auquel Roland Barthes fut le premier à consacrer un texte en 1975 – dont on peut consulter le manuscrit dans l’exposition – se livre très peu. Sa dernière exposition date de 2001, une rétrospective de ses dessins présentée au Centre Pompidou, seul musée français à posséder deux œuvres de l’artiste ! « Blooming, A Scattering of Blossoms and other Things » [semés à la volée, éclosions et autres choses…] est une exposition inédite, spécialement conçue pour la collection Lambert. Durant deux mois et demi, entre décembre 2006 et février 2007, Cy Twombly a peint quatorze tableaux (dont six panneaux de 5,5 mètres et trois de 2,5 mètres), des formats qui ne lui sont pas familiers, conçus sur mesure pour les pièces de l’hôtel particulier du XVIIIe siècle qui l’accueille, de même que les couleurs ont été choisies en fonction de la lumière provençale… Le choix, délibérément ringard, de la fleur comme motif pictural est prétexte à faire sourdre une explosion de couleurs en fusion. Un travail porté davantage sur la masse picturale que sur la gestuelle ou le palimpseste illustrés par les quelque trente dessins et peintures antérieurs, à découvrir ensuite au premier étage du musée. Le parcours s’achève par une salle consacrée à des sculptures en bronze patiné, inédites en France, hommages aux Nikés grecques, à Brancusi, Giacometti ou Picasso. Ces anti-sculptures réalisées avec les moyens du bord (un seau renversé, un chapeau…), rappellent par leur équilibre précaire la notion de chute qui ressort des pivoines croulantes du début. Un dénouement un peu terne au regard du feu d’artifice de l’entrée.
- Commissaire de l’exposition : Éric Mézil, directeur de la collection Lambert en Avignon - Nombre de pièces : 71
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Explosion de pivoines
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 30 septembre 2007, Collection Lambert en Avignon, Musée d’art contemporain, 5, rue Violette, 84000 Avignon, tél. 04 90 16 56 20, www.collectionlambert.com, tlj sauf lundi, 11h-18h (11h-19h en juillet). Catalogue, édition Gallimard, 192 p., 29 euros, ISBN 978-2-07-011895-3
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Explosion de pivoines